En Tunisie, l’enfer des migrants arrêtés et abandonnés dans le désert illustré par cette photo

La petite Marie, 6 ans, et sa mère Fati Dosso, 30 ans, ont été retrouvées mortes de soif après avoir été abandonnées dans le désert, à la frontière entre la Tunisie et la Libye.

La petite Marie, 6 ans, et sa mère Fati Dosso, 30 ans, ont été retrouvées mortes dans le désert libyen.
REFUGEES IN LIBYA
La petite Marie, 6 ans, et sa mère Fati Dosso, 30 ans, ont été retrouvées mortes dans le désert libyen.

INTERNATIONAL – Leur histoire est le témoignage glaçant du combat de survie mené par des centaines de réfugiés subsahariens face aux décisions du pouvoir tunisien. Sur les réseaux sociaux, la photo d’une femme noire sans vie, allongée face contre le sol, a été relayée par plusieurs ONG cette semaine du 24 juillet. Encore enlacé contre elle, le cadavre de sa petite fille.

Cette photo a été prise par le journaliste libyen Ahmad Khalifa, selon l’ONG Refugees in Lybia. Il couvre les violences commises par les autorités tunisiennes à l’égard des migrants subsahariens. Depuis le 4 juillet, la Tunisie conduit en effet des campagnes massives d’arrestation et d’expulsion de migrants, depuis la ville de Sfax vers les pays voisins. Ces migrants sont abandonnés dans des zones désertiques, sans eau, ni nourriture, selon des ONG.

D’origine ivoirienne, elles étaient parties de chez elles en Libye avec le père de famille camerounais, surnommé Pato. Ensemble, ils voulaient rallier la Tunisie dans l’espoir d’assurer un avenir à Marie. « Après plusieurs tentatives de traversée de la mer Méditerranée depuis la Libye ces dernières années, ils ont abandonné et se sont dirigés vers la Tunisie où ils prévoyaient d’élever leur fille » indique dans un tweet l’ONG Refugees in Libya.

Mais lorsqu’ils ont voulu passer la frontière une première fois, « la police nous a attrapés et battus avec des armes, nous renvoyant dans le désert » raconte Pato, le père de famille toujours en vie aujourd’hui, à l’ONG. Après une seconde tentative, ils passent tous les trois la frontière.

Abandonnés sans eau dans le désert par la police

La police tunisienne les retrouve finalement à Ben Gardane et les arrête. Le lendemain, les autorités les abandonnent dans un désert reculé, sans eau, « avec une trentaine d’autres personnes » selon Pato. Le père de famille, épuisé, aurait alors laissé partir devant sa femme et sa fille pour qu’elles puissent continuer avec le groupe et avoir une chance de s’en sortir. « Je n’avais plus de force et je savais que pour moi ça allait s’arrêter là car je respirais à peine » explique-t-il.

Il croise finalement trois étrangers soudanais qui lui donnent de l’eau et l’aident à retourner en Libye à leurs côtés. Pato pense retrouver sa compagne et sa fille en arrivant dans la ville de Zouara. Il découvre au contraire, grâce à un ami qui le prévient, la photo de leurs corps, publiée sur les réseaux sociaux. Il reconnaît leurs vêtements.

Ce récit insoutenable est la réalité et la crainte de nombreux réfugiés subsahariens. Ces derniers jours, les découvertes macabres de ce genre se sont multipliées dans le désert, comme le montre la vidéo ci-dessous, partagée par Refugees in Libya sur Twitter, montrant notamment un père et son fils. Attention, ces images peuvent choquer.

« Il est difficile de détourner le regard de ces scènes de parents mourant aux côtés de leurs enfants », écrit l’ONG.

Kaïs Saïed dénonce des « hordes de migrants subsahariens »

La situation est extrêmement difficile pour les migrants en Tunisie depuis que le président Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, a dénoncé le 21 février l’immigration clandestine, évoquant des « hordes de migrants subsahariens » venus, selon lui, « changer la composition démographique » du pays. Un discours de plus en plus ouvertement xénophobe s’est ainsi répandu dans le pays.

Depuis des affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants africains ont été chassés de Sfax, deuxième ville de Tunisie et devenue cette année le principal point de départ pour l’émigration clandestine vers l’Europe.

Ils ont été conduits par les autorités, selon des ONG, vers des zones inhospitalières près de la Libye à l’est, et l’Algérie à l’ouest. Sans eau, ni nourriture, ni abri, par des températures dépassant les 40 degrés. Plusieurs sont morts, selon Human Rights Watch.

Le 18 juillet, l’Onu s’est dite très préoccupée par la situation et a condamné ces méthodes violentes. Les Nations unies exhortent le gouvernement tunisien à prendre des mesures immédiates « pour mettre fin aux discours de haine raciste dans le pays ».

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