SITUATION DES SERVICES D’URGENCES ET PLUS LARGEMENT DE L’HÔPITAL

Flash n°83/2022

FLASH INFO – FLASH INFO – FLASH INFO – FLASH INFO – FLASH INFO

SITUATION DES SERVICES D’URGENCES ET PLUS LARGEMENT DE L’HÔPITAL

Bonjour,

Nous vous prions de trouver en pièces jointes,  le rapport introductif ainsi que le compte-rendu de la réunion du 19 juillet 2023 sur la situation des services d’urgences et plus largement de l’hôpital.

Les différentes interventions dépassaient largement le cadre des urgences.  En même temps que les camarades abordaient la question des urgences, à chaque fois, ils expliquaient ce qui se passait dans la maternité d’à côté, au bloc opératoire, au niveau de la psychiatrie, de la gériatrie etc… avec de très nombreux exemples concrets, apportant une vision d’ensemble. Le fil conducteur a été que : « c’est du jamais vu ! »…

Sommaire du rapport introductif :

Partie 1 : Hôpital : la fin de la lumière au milieu de la nuit ?

Partie 2 : On n’accepterait jamais de prendre un avion en mode dégradé. Pourquoi l’accepterait-on à l’hôpital ?

Partie 3 : Nous avons une course contre la montre à mener. Pour la gagner, il nous faudra coaliser une force unie sur des revendications communes.

Sommaire du compte-rendu :

Partie 1 : Hôpital, on ferme : c’est du jamais vu !

Partie 2 : dérégulation, affaiblissement des instances du personnel et attractivité des métiers.

Partie 3 : Organiser la résistance et préparer la rentrée.

Pour rappel, vous trouverez la carte des fermetures de lits ou services menacés depuis septembre 2021 en cliquant ici.

Fraternellement

Le secrétariat du secteur revendicatif

3 pièces jointes •

Groupe de travail fédéral

« Politiques de santé » élargies

Rapport introductif de la réunion du 19 juillet 2023

sur les services d’urgences en difficulté (Cédric Volait)

Les annonces de fermetures de services d’urgences se multiplient à un rythme effréné sur des nuits, sur des week-ends, pour tout l’été, voire plus. En Mayenne, tous les services d’urgences du département sont fermés la nuit pendant tout l’été. Et une seule équipe SMUR sur trois sera disponible.

La seule solution proposée par le ministre de la santé et l’ARS : appeler le 15 ! Un « 15 » dont les délais d’attente deviennent toujours plus inquiétant. Et combien d’appels sans réponse ? 30 000 en 2022 ! Même dans les zones mieux dotées en médecins, la situation est compliquée, comme à Saint-Tropez, où au mois de juillet, parfois ce sont les urgences qui ferment, parfois c’est le SMUR.

Ils remplacent progressivement l’accès libre (la lumière au milieu de la nuit, le service de proximité et le lien) par de la téléphonie qui consiste la plupart du temps à dire « attendez dehors » ou « prenez votre voiture et faites 45 ou 60 minutes ». On voit aussi la visio se développer avec des nouvelles façon de travailler.

Se développe également « le multisites ». Des médecins qui travaillent en multisites, mais pas que, il y aussi des infirmiers, des ambulanciers etc… pour aider des sites en difficulté. Quand tu travailles sur différents sites, c’est qu’on se dirige vers une gestion départementale. Ces changements impactent les conditions de travail, mais ils vont aussi impacter notre syndicalisme CGT de proximité.

Sur lagestion des plannings des personnels, il y a des changements de pratiques également. Une camarade des urgences me disait récemment : « on apprend au dernier moment que des services sont fermés. On a une visibilité à 24 ou 48 heures. Et puis, on a des plannings « à trous » généralisé. On ne sait pas où on va. On improvise au fur et à mesure en fonction des arrêts maladie ou des intérimaires ».

Un autre collègue m’expliquait : « On a des petits services fermés. Des services intermédiaires à effectifs réduits. Et une tendance à concentrer les moyens sur les services les plus importants, avec des heures sup qui explosent. »

On voit bien que les alertes que nous lancions au moment de la loi Touraine de 2016, et de la loi Buzyn de 2019, étaient plus que légitimes. On disait que leur but était d’avoir un seul hôpital par territoire et que cela passerait par le fait de donner la personnalité morale au GHT. C’est ce que prévoit la proposition de loi Valletoux, adoptée en première lecture à l’assemblée nationale. Nous alertions également sur leur volonté de mettre en place une gestion des ressources humaines départementale. Ils se servent de la pénurie pour accélérer ce processus.

Ainsi, le profond affaiblissement du service public hospitalier qu’ils mettent en place, touche après touche, conduit tout d’abord, à avoir des personnels qui n’en peuvent plus, qui fuient ces conditions de travail inacceptables et complètement vidées du sens qu’ils y avaient mis. Mais cela entraîne également une ubérisation de notre système de santé avec la mise en place de centres de soins non programmés privés qui ne sont ouverts ni la nuit ni le week-end. Ces centres aggravant la situation en débauchant les médecins de l’hôpital public.

Quelles réponses la nuit et les week-ends avec des centres de soins non ouverts ou avec des services d’urgences fermés ?

N’oublions pas que sur 20,5 millions de passages aux urgences en 2022, 44% des patients sont arrivés dans la nuit ou le week-end (source Fedoru).

Avec l’application de la loi Rist, de plus en plus de professionnels nous expliquent que « c’est la pagaille ! ». Et les gens ne veulent plus venir travailler dans notre secteur. Pour le concours de praticiens hospitaliers, il y a eu 11 000 places ouvertes, pour seulement 3500 participants environ. On est à deux tiers de chaises vides pour le recrutement de médecins hospitaliers.

Et pour mieux faire accepter l’inacceptable à la population, ils dépensent des sommes importantes dans des cabinets de communication, comme en Région Auvergne Rhône Alpes, pour leur fournir clip, slogan et affiches intitulés : « Les urgences, c’est pas une évidence ! ». Ce clip est stupide ! Celles et ceux qui souffriront d’une insolation sévère, sans prendre la mesure de la gravité de leur état, risquent de ne pas consulter ou trop tard, « pour ne pas déranger » comme on leur demande !

C’est aussi dans ce contexte que l’ARS d’Ile de France a publié un document pour les jeunes mamans, le texte commence par : « La région Ile de France connaît actuellement des tensions importantes sur les capacités d’accueil en maternité ». Et il continue avec : « Le jour de votre accouchement, il est possible que la maternité où vous êtes inscrite manque de place. Il pourra alors être possible de vous transférer en toute sécurité vers une maternité adaptée à votre situation ». Quelle angoisse pour les mères qui auront à accoucher dans une maternité qu’elles ne connaissent pas !

C’est ce qu’ils appellent un fonctionnement en « mode dégradé ». Mais qu’est-ce que c’est ?

Avant le Covid, les ARS et les directions d’établissements parlaient de « mode dégradé » mais sans oser l’écrire. Depuis, elles semblent décomplexées, et de nombreuses communications officielles organisent désormais un fonctionnement d’hôpital ou de service en « mode dégradé ».

Le gouvernement et ses relais sur le terrain se servent du chaos qu’ils ont eux-mêmes créé, pour mettre en place des mesures, soi-disant correctives, qui vont encore aggraver la situation. C’est quoi un hôpital en mode dégradé ? Le fait que l’expression existe est déjà très grave ! On n’accepterait jamais de prendre un avion en mode dégradé. Pourquoi l’accepterait-on à l’hôpital ?

Le mode dégradé, cela signifie qu’on bricole, qu’on n’est pas ouvert tout le temps, et qu’on ne peut pas soigner tout le monde. Il ne faut pas se raconter des histoires !

C’est quand même l’Etat qui se retire et qui n’assure plus sa mission d’accès aux soins aux soins pour tous et partout !

 

Monsieur Braun, pour justifier cette désorganisation généralisée a expliqué récemment qu’il veut faire « du sur-mesure localement ». On ne peut pas faire du sur- mesure localement quand on n’arrive plus à faire venir des médecins à cause de la Loi Rist ou du fait du manque d’élèves formés. On ne peut pas faire du sur-mesure quand il y a une fuite énorme des personnels tellement les conditions de travail se sont dégradées. Le sur-mesure devient simplement : « mettons nous d’accord pour savoir à quelle heure ça ferme ».

 

Cela signifie que dans un service où tu dois faire la toilette des patients, tu la fais un jour sur deux, un jour sur 3, voire une fois par semaine.

Des patients dans un couloir, c’est un mode dégradé. Dans certains établissements, il y a tellement de brancards dans les couloirs, que ce sont les patients les moins malades qui surveillent les autres. Et quand un patient reste sur un brancard 24h00, surtout s’il est fragile, il y a ce qu’on appelle « une perte de chance ». Et à la fin, ce sont quand même des gens qui meurent !

Par contre, on peut être certain que si Monsieur Macron, Monsieur Braun, ou leur famille, arrivent aux urgences, et qu’on les met sur un brancard, ils ne resteront pas 24h00. Mais pour la grande majorité, le mode dégradé les percutera dans leur chair !

Et que fait ce gouvernement pour la jeunesse ?

Cette année scolaire, de nombreux élèves sont restés sans cours pendant plusieurs semaines par manque de prof dans les écoles. Une collègue nous disait que même à Paris, dans le 20ème, 20% des cours n’ont pas été assuré pour son enfant. Il y a des départements où il n’y a plus de service de pédopsychiatrie. Il y a des enfants de 10 ans qui essaient de se suicider, ils n’ont pas accès à des prises en charge adéquates.

C’est quand même scandaleux dans un contexte où il y a eu 413 milliards dégagés pour la guerre, et que cela n’a posé aucun problème !

L’anormalité ne doit pas devenir la norme !

Il ne faut surtout pas le banaliser et il ne faut surtout pas s’y habituer !

Organisons partout la résistance contre les véritables casseurs des services publics et pour gagner sur nos revendications !

Là, on fait un zoom sur les urgences car c’est un miroir grossissant de ce qui se passe à l’hôpital, mais ce mode dégradé va bien au-delà de la santé. On le retrouve dans tous les domaines de nos vies professionnelles et de nos vies privées.

Ceux qui détiennent le pouvoir nous l’impose, de manière beaucoup plus tranchées, de manière beaucoup plus brutale, et avec moins de possibilités de compromission. Et mêmes les parties politiques ou les syndicats qui étaient dans le compromis, dans l’accompagnement, ont de moins en moins l’écoute du pouvoir en place. Il y a une volonté beaucoup plus dure de capter les richesses, et de laisser la grande majorité de la population dans la misère, sans droits, et sans services publics.

On l’a vu sur le sujet des Retraites. Des millions se sont rassemblés, ont manifesté dans l’unité, mais ça n’a pas suffit à bloquer Macron qui n’a pas hésité à s’assoir ouvertement sur la démocratie pour faire passer, in extremis et avec fracas, sa réforme. Fragilisé, il voudrait tourner la page et se presse donc à continuer ses réformes en redoublant de brutalité… car l’enjeu est bien de tout détruire… au plus vite. Macron l’a dit lui même lors de sa visite à l’hôpital de Vendôme il y a quelques semaine: « c’est plus difficile de reconstruire quand tout n’est pas détruit ». Lui et Braun gardent leur cap. On le voit bien dans notre secteur. Mais le conflit historique des retraites ne peut pas être effacé comme ça. Les millions de manifestants existent toujours bel et bien.

‘est pourquoi, nous continuons à dénoncer le tri des malades et à exiger un libre accès à l’hôpital 24h/24 et 7 jours/7. Il faut que le ministère et les ARS donnent les moyens pour qu’il y ait assez de personnels pour répondre aux besoins de la population. Il faut qu’il y ait assez de médecins et qu’ils soient répartis sur le territoire afin d’assurer une égalité de traitement de la population. Et pour cela, il faut que les personnels soient rémunérés correctement sinon ils ne resteront pas.

C’est tout le sens de la colère et des mobilisations qui s’expriment sous différentes forme comme la grève des 3 et 4 juillet (et même au delà) des médecins et des assistants de régulation médicale (ARM). De même, l’appel de l’ensemble des organisations syndicales et de deux associations d’usagers en Mayenne a conduit plusieurs centaines de personnes à manifester devant l’hôpital de Laval le 8 juillet. Les personnels des urgences de Romorantin sont en grève reconductible depuis le 3 juillet…

Des luttes sont également menées sur le terrain juridique avec une victoire au tribunal administratif de Montreuil qui vient d’annuler la déclaration d’utilité publique du projet d’hôpital Grand Paris-Nord. Il s’agit d’un revers majeur pour la direction de l’APHP, qui par son projet, et contrairement à ce qu’elle prétend, entend fermer plusieurs centaines de lits d’hospitalisation… Lits qui manquent cruellement pour accueillir les patients des urgences.

La carte des fermetures de lits et de services est toujours d’actualité, interactive sur le site fédéral, il faut continuer à s’en saisir pour la compléter. Elle donne à voir l’étendue de l’aggravation de la situation. Il faut également continuer de se saisir des différents modèles d’alerte (ARS, Ministère, Procureur de la République…).

De plus, on a intérêt de resserrer les liens, de resserrer les rangs, et organiser la résistance. Et le meilleur moyen d’organiser la résistance, c’est d’arriver à regrouper tous ceux qui n’ont pas envie de baisser la tête, tout ceux qui n’ont pas envie de se laisser faire, tout ceux qui ont envie de résister.

Les réunions visio que nous organisons, comme le groupe WhatsApp regroupant une centaine de syndicats, sont un bon point d’appui.

Nous sommes dans un tournant, il y a une course contre la montre qui se joue en ce moment :

  • entre d’un côté, l’éclatement des collectifs auquel ils travaillent afin de démoraliser complètement les travailleurs… en isolant chaque travailleur et chaque militant (c’est l’histoire des primes, des 12h00, des différentes dérégulations qu’ils mettent en place à tous les niveaux et des différents outils d’individualisation…)
  • et d’un autre côté, concernant la course contre la montre, pour nous c’est comment on donne confiance aux personnels de notre champ et comment on leur fait prendre confiance de leur

Ils sont chacun dans leur service, chacun dans leur hôpital, chacun dans leur catégorie, divisés et éclatés… pourtant ils sont plus d’un million ! Tout est fait pour que les hospitaliers n’aient pas conscience de leur force très conséquente, et de celle qu’ils pourraient trouver auprès de la population.

Nous aurions besoin de réunir tous ceux qui ont envie de résister afin de coaliser une force unie sur des revendications communes.

Pourrait-on réunir les délégués de nos établissements à la rentrée, faire en quelque sorte une assemblée générale nationale des délégués CGT des services hospitaliers pour dresser l’acte d’accusation du gouvernement et dresser   la   liste   précise des revendications, s’adresser aux maires et aux conseils municipaux en s’appuyant sur les cahiers revendicatifs élaborés dans chaque établissement et prendre une initiative nationale en direction du Ministère, proposer à la confédération d’en faire un enjeu national, intersyndical et interprofessionnel ? Pourrait-on soumettre une telle proposition à notre CEF ?

Et enfin, dans l’immédiat, juste après la réunion, on pourrait faire un communiqué, ainsi qu’un tract, en se basant sur vos exemples très concrets, pour expliquer que « le ministre ment », que les fermetures se multiplient, et qu’il est urgent de répondre aux revendications des personnels !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire