Olivier Mateu – Secrétaire Départemental de l’Union Syndicale CGT 13

Extraits ci-dessous d’un interview d’Olivier Mateu – Secrétaire Départemental de l’Union Syndicale CGT 13

https://www.revue-ballast.fr/olivier-mateu-il-faut-apporter-une-reponse-de-masse/

Le soulèvement des gilets jaunes, qui a, en partie, incarné cette défiance à l’endroit des syndicats, a été un échec patent pour la CGT…

Quand je pense avec recul à cette séquence, de la colère monte en moi. À l’époque, notre secrétaire général, Philippe Martinez, affirmait que nous ne pouvions pas fréquenter les gilets jaunes car ils étaient d’extrême droite… C’est impossible d’affirmer des choses pareilles alors que, de fait, tout mouvement populaire attire l’ensemble des courants politiques ! Pragmatiquement, il y a des organisations qui sont sur le terrain tandis que d’autres s’interrogent et tergiversent pour savoir s’ils doivent prendre part ou pas au combat. Les fascistes, eux, ils n’attendent pas ! Ils sont toujours au plus près, toujours à essayer de tirer la couverture à eux pour en tirer le maximum de profit politique. Si nous les laissons faire, ça signifie que nous renonçons à la bataille des idées. D’où l’importance de la double besogne comme objectif stratégique. Car si tu te départis de l’une — oublier la défense des revendications au quotidien — ou de l’autre — se couper du terrain —, tu perds en crédibilité et en efficacité. C’est la première des erreurs : sur les gilets jaunes, elle a été tragique. Ici, dans les Bouches-du-Rhône, nous avions réussi à travailler avec eux, presque d’emblée. Nous avions ce mot d’ordre : « Ce n’est pas la couleur du gilet qui nous sépare et peut nous diviser. » C’est ce que nous essayons de réaliser dans l’Union départementale (UD) à la place qui est la nôtre.

Donc : comment faire pour ramener tout le monde dans notre camp, y compris ceux qui votent Rassemblement national ? Pour y arriver il faut commencer par rassembler notre camp malgré le marasme qui existe depuis des décennies. Et pour ça, ce qui doit primer, ce qui paie en politique, c’est l’honnêteté. La première des honnêtetés est de dire qu’il faut construire avec ceux qui portent et défendent ce projet d’émancipation et avec ceux qui devront en bénéficier. C’est celui qui fera le meilleur travail pour convaincre qui fera progresser son projet et son camp, y compris en proposant une part d’utopie, en l’exprimant en termes positifs. Je n’ai pas toutes les deux secondes entre les lèvres le nom de mon ennemi de classe ! Mais je sais reconnaître mes adversaires, et je ne les oublie pas ! Le chat s’appelle le chat : tu peux essayer de l’appeler comme tu en as envie, pour autant il n’aboiera jamais. La période que nous vivons est une guerre de classes très dure. Mais nous ne préparons pas des guerriers et des guerrières pour les futures batailles…

Nous faisons face à une transformation radicale de l’organisation du travail : atomisation des lieux de production et de la classe ouvrière, télétravail, ubérisation… On a parfois l’impression que la CGT a manqué le coche.

Ce n’est pas pour dédouaner la CGT mais il me semble que tous les syndicats ont été complètement démunis par cette mutation sociale — autant que les travailleurs eux-mêmes. Nous pourrions parler de cas individuels de masse — j’espère que l’image est claire. Et quand il y a question de masse, il faut apporter une réponse de masse. Aujourd’hui, il y a des usines qui ne fonctionnent plus que grâce à des ateliers de sous-traitance, avec, en dessous, des auto-entrepreneurs isolés. Par cette mutation et ce « statut » d’auto-entrepreneur, le travailleur ne touche pas un sou et n’a quasiment plus aucune protection, il est isolé. En tant que syndicat, il faut le dire, c’est une galère de réussir à gagner des droits pour des gens qui sont payés deux euros la course ! Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire ! Dans l’urgence, la première étape est de demander des droits. Mais ensuite il faut apporter une réponse structurelle. Donc soit nous pensons une convention collective et nous les sortons du statut d’auto-entrepreneur, soit nous décidons que ça relève du service public. Mais si nous devenons incapables, malgré les difficultés que ça représente, de penser une convention collective — même pour deux gars dans le pays — ou d’affirmer que c’est d’intérêt général, donc qu’il faut recourir à un service public, alors nous ne donnerons que des réponses au coup par coup. Cette stratégie serait catastrophique. Contre l’uberisation de la société, la première réponse est donc celle du statut des travailleurs, en structurant ces métiers afin qu’ils ne soient pas jetés à l’appétit vorace des grandes entreprises comme Uber. Ces statuts pour lesquels nous nous sommes battus, ils ont permis l’obtention et la reconnaissance de droits, de formations, de qualifications…

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire