Sainte Soline: Plainte contre le Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer

Chers amis,

De tradition chrétienne, les cloches reviennent ce jour. J’en profite pour sonner celles du sinistre Darmanin.

J’ai été élevé, dans une famille d’ouvriers de la sidérurgie lorraine, dans une sainte horreur du mensonge. Comme l’ignominie de celui de Darmanin m’est intolérable, je me suis associé, en ma qualité d’observateur, à la plainte collective qui sera déposée auprès de la Commission des requêtes de la Cour de Justice de la République. Pour la défense des droits de l’Homme, Droits & Liberté signe d’office ce recours.

En le signant, j’en ai profité pour me faire laver les pieds jeudi dernier, bien que ce ne fût pas mon dernier repas.

Fraternellement.

Daniel

https://www.helloasso.com/associations/droits-et-liberte


Droits et Liberté

 Défense des droits

Nos activités sont : – CIVIQUES : défense des libertés publiques et des droits de la femme, de l’enfant et de l’homme. – et de JUSTICE : accès aux droits devant les tribunaux, assistance juridique, médiation, y compris devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme


 

Commission des requêtes de la Cour de Justice de la République

21 rue de Constantine 75007 Paris

Objet : plainte contre le Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer

 

Madame, Monsieur,

  1. Par le présent courrier, nous avons l’honneur de vous saisir de notre plainte à l’encontre de Monsieur Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer.

Cette plainte porte sur des faits susceptibles de caractériser des faux témoignages présentés sous serment lors de son audition à l’Assemblée Nationale le jeudi 5 octobre 2023 durant la séance qui s’est tenue à 9 heures 30 sous la présidence de Monsieur Patrick Hetzel (pièce n° 1 : compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30).

Monsieur le Ministre de l’Intérieur y avait été convoqué par la Commission d’enquête parlementaire sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements. Cette commission s’était notamment donnée pour mission d’enquêter sur la mobilisation du 25 mars 2023 à Sainte-Soline contre la construction des méga-bassines.

  1. À titre liminaire et pour la bonne compréhension du présent courrier, le contexte dans lequel s’est tenue cette mobilisation ainsi que la campagne mensongère menée par le Ministère de l’Intérieur sera rappelé.

La veille de la manifestation, le Ministre de l’Intérieur, qui accusait depuis plusieurs mois les opposants aux méga-bassines d’être des « écoterroristes » – non-sens juridique en l’absence de tentative d’intimidation ou de terreur1 – a déclaré :

1 L’article 421-1 du Code pénal définit ainsi ces délits :

« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :

« Nous verrons des images extrêmement dures, parce qu’il y a une très grande mobilisation de l’extrême gauche et de ceux qui veulent s’en prendre aux gendarmes et peut-être tuer des gendarmes et tuer les institutions ».

(pièce n° 2 : Article 20 minutes Mégabassines Dans les Deux-Sèvres, plus de 3.000 policiers et gendarmes pour encadrer la manifestation)

Cette déclaration visait clairement à préparer la population à la répression particulièrement dure qui s’est abattue sur les manifestants le 25 mars 2023 pour la défense de simples travaux d’exhaussement.

À cette occasion, ce sont plus de 3 200 gendarmes et policiers qui ont été déployés du 24 au 26 mars, dont 3 000 gendarmes sur le secteur de Sainte-Soline, 20 escadrons de gendarmerie mobile, un peloton motorisé d’intervention et d’interposition (PM2I) monté sur quads (40 personnels sur 20 quads), 9 hélicoptères, 4 blindés, 4 canons à eau, 4 pelotons héliportables (pièce n° 3 : rapport du Directeur général de la gendarmerie nationale sur la manifestation du 24-26 mars à Sainte-Soline, p. 2).

Concrètement, la confrontation a duré seulement deux heures mais ce court laps de temps a suffi pour que soient tirés « 5015 grenades lacrymogènes […], ainsi que 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR[,] 81 tirs de LBD » (pièce n° 3 : rapport du Directeur général de la gendarmerie nationale sur la manifestation du 24-26 mars à Sainte-Soline, p. 4/6).

L’affrontement ayant duré 1h55, ce sont 3 tirs toutes les deux secondes qui pleuvaient sur les manifestants, dans une ambiance de guerre civile : des agents tirant sur des citoyens et citoyennes qu’ils avaient pourtant pour mission de protéger.

Le bilan de cette opération de « maintien de l’ordre » est effroyable. 200 blessés ont été recensés du côté des manifestants, dont 3 au pronostic vital engagé et une quarantaine de blessures graves (mutilations, fractures, fracas osseux, plaies non suturables, perte d’audition etc.).

De nombreux pays et institutions ont condamné l’État français pour sa démonstration de force. Le rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement a déclaré « à

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;

2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;

3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;

4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les articles 222-52 à 222-54,322-6-1 et 322-11-1 du présent code, le I de l’article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-14, L.

2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l’article L. 2353-5 et

l’article L. 2353-13 du code de la défense, ainsi que les articles L. 317-7 et L. 317-8 à l’exception des armes de la catégorie D définies par décret en Conseil d’Etat, du code de la sécurité intérieure ;

5° Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ;

6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ; 7° Les délits d’initié prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3 du code monétaire et financier ».

Sainte-Soline, la réponse de l’État m’a paru largement disproportionnée »2. Un collège d’experts de l’ONU en matière de droits de l’Homme a demandé des comptes au Président de la République française quant à ses pratiques de maintien de l’ordre en accusant les forces de l’ordre françaises d’un « manque de retenue dans l’usage de la force » « inquiétant pour l’État de droit ». Dans leur communiqué, ils ont également souligné que la France « est le seul pays européen à utiliser des gaz lacrymogènes et des grenades de désencerclement lors d’opérations de maintien de l’ordre »3.

Quatre plaintes pénales ont d’ailleurs été déposées à l’encontre de l’État. La défenseuse des droits s’est auto-saisie des cas de deux des manifestants grièvement blessés4. 70 blessés – 41 blessés physiques et 29 blessés psychiques, témoins de violences ou d’entraves aux secours – ont eux-mêmes saisis la défenseuse des droits5.

Les ressorts de cet usage disproportionné de la force contre des citoyens sensibles et inquiets de la catastrophe climatique à venir sont aisés à comprendre à la lecture de l’audition du Ministre de l’Intérieur. Ce dernier croit fermement et revendique « que les biens sont aussi importants que les personnes » (pièce n° 1 : compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30). 

  1. Dans ce contexte où la responsabilité du gouvernement est sérieusement questionnée, le Ministère de l’Intérieur, responsable du maintien de l’ordre durant ce week-end d’horreur, s’est donné pour mission de tenter de convaincre l’opinion publique que les violences étaient le seul fait des militants et des collectifs ayant appelé à la mobilisation, de manière à « garder la face ».

Ce faisant, Monsieur Gérald Darmanin a poursuivi son entreprise de communication à tout prix, multipliant les mensonges à la population française… et aux parlementaires français.

Manœuvre qui a en partie fonctionné puisque le rapport d’enquête parlementaire du 7 novembre dernier charge lourdement les organisateurs de la mobilisation, sans tenir compte des témoignages et des preuves apportés par les observatoires des libertés publiques et des pratiques policières et par les organisateurs, qui ont pourtant également été auditionnés par la commission d’enquête.

Nous reprenons ci-après un florilège non exhaustif des mensonges gouvernementaux relayés dans la presse les jours qui ont suivi la mobilisation.

Lors d’une conférence de presse le lundi 27 mars 2023, Gérald Darmanin a affirmé qu’ « aucune arme de guerre n’a[vait] été utilisée ». Ses propos ont été relayés en direct sur

2      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/30/a-sainte-soline-la-reponse-de-l-etat-m-a-paru-largement- disproportionnee-selon-le-rapporteur-special-de-l-onu-sur-les-defenseurs-de-l- environnement_6167594_3244.html

3https://www.rfi.fr/fr/france/20230616-pour-les-experts-de-l-onu-la-france-doit-proc%C3%A9der-%C3%A0-un-

examen-complet-de-son-maintien-de-l-ordre

4 https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/30/sainte-soline-la-defenseure-des-droits-se-saisit-des-cas-des- deux-manifestants-grievement-blesses_6167632_3224.html

5https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/sainte-soline-70-manifestants-saisissent-la-defenseure-des-

http://droits

les chaînes d’information en continu comme l’a révélé ici une vidéo de BFMTV postée sur le réseau social X (ex-Twitter)6.

La cellule fact-checking du Monde, Les Décodeurs, a relevé le mensonge dans un article du 31 mars 2023 en se référant au code de la sécurité intérieure7.

Au cours de cette même conférence de presse, Gérald Darmanin a affirmé que « les gendarmes n’ont pas tiré de LBD depuis leurs quads ». Le ministre de l’Intérieur a été forcé de rétropédaler une heure plus tard suite aux nombreuses diffusions des images faisant état de tirs venant des quads et des nombreux fact-checking de Politis8 ou encore du Monde.

Autre fait mensonger assumé par Monsieur Gérald Darmanin : l’entrave à l’arrivée du Samu. Deux jours avant qu’un enregistrement attestant que les forces de l’ordre ont effectivement interdit l’arrivée des secours, le Ministre de l’Intérieur a affirmé que « Non, les forces de l’ordre n’ont pas empêché les secours d’intervenir »9.

Le 29 mars dans la matinée, un document audio recueilli et publié par France Info a révélé une conversation téléphonique au cours de laquelle un opérateur du Samu a affirmé : « On n’enverra pas d’hélicoptère ou de moyen Smur sur place parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre »10. Pour autant, quelques heures plus tard, en début d’après- midi, Monsieur le Ministre de l’Intérieur ne s’est pas démonté et a affirmé en direct sur RTL :

« Les secours sont arrivés dès qu’ils ont pu »11. Le lendemain, le directeur général de la gendarmerie nationale, Monsieur Christian Rodriguez, a continué à affirmer, dans la matinale de France Info, que « considérer que des gendarmes vont s’opposer à des secours, mais c’est même plus qu’indécent »12.

Le 31 mars, la communication du ministère de l’Intérieur continuait à porter ses fruits puisque, malgré l’enregistrement diffusé publiquement, le rapport publié par les observatoires des libertés publiques et des pratiques policières et les nombreux articles de la presse nationale, le quotidien Le Figaro a publié une « enquête » parlant de « manipulation » de la presse contre le ministère de l’Intérieur13.

6https://twitter.com/BFMTV/status/1640386343564984327?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed

%7Ctwterm%5E1640386343564984327%7Ctwgr%5E175e8ed91afecd517e29b5d7ef8123c1cc368d0d

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%2F2023%2F03%2F31%2Fmanifestations-et-violences-les-erreurs-et-approximations-de-gerald- darmanin_6167693_4355770.html

7                    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/31/manifestations-et-violences-les-erreurs-et- approximations-de-gerald-darmanin_6167693_4355770.html

8 https://www.politis.fr/articles/2023/03/repression-a-sainte-soline-les-trois-mensonges-de-letat/

9https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/29/sainte-soline-des-elus-de-lfi-appellent-a-la-demission-de-

gerald-darmanin-apres-des-revelations-prouvant-une-entrave-a-l-intervention-des- secours_6167491_823448.html

10https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/document-sainte-soline-dans-un-enregistrement-de-la-ldh-un-

operateur-du-samu-dit-avoir-recu-l-ordre-de-ne-pas-envoyer-de-secours_5739095.html

11 https://www.rtl.fr/actu/politique/gerald-darmanin-est-l-invite-de-rtl-mercredi-29-mars-7900249429

12            https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/mega-bassine/document-franceinfo-mega-bassines-je- trouve-ca-ahurissant-de-dire-que-la-gendarmerie-a-interdit-aux-secours-d-intervenir-denonce-le-patron-de-la- gendarmerie-nationale_5741180.html

13 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/sainte-soline-retour-sur-une-manipulation-20230331

  1. Les mensonges du Ministre n’étant que trop peu mis en exergue publiquement, celui-ci a donc continué à les proférer jusque dans l’enceinte de l’Assemblée

Le 10 mai 2023, l’Assemblée nationale a adopté une résolution portant sur la création d’ « une commission d’enquête, composée de trente membres, sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023 ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements » (résolution n° 113 de l’Assemblée nationale).

Comme le rappelle l’introduction du rapport d’enquête parlementaire établi par cette commission, son objet était clairement d’examiner l’organisation des manifestations qui se sont tenues en opposition à la réforme des retraites, ainsi qu’à l’encontre des méga-bassines à Sainte-Soline.

« Nul n’ignore que le premier semestre de l’année 2023 a été marqué par la contestation du projet de réforme des régimes de retraite soumis au Parlement, ainsi que par l’opposition à des projets d’infrastructures tels que la construction de réserves de substitution d’eau à Sainte-Soline ».

(Pièce n° 4 : rapport d’enquête parlementaire, p. 13)

Au cours de son audition, le Ministre de l’Intérieur s’est donc largement exprimé sur la manifestation de Sainte-Soline du 25 mars 2023.

Il n’a pas hésité à profiter de cette audition pour faire une tribune politique mensongère, nourrissant ainsi de faits erronés l’imaginaire des parlementaires ainsi que le rapport à charge rédigé par la Commission d’enquête parlementaire.

Nous démontrerons donc successivement la recevabilité du présent recours (I.) et la réunion des éléments constitutifs de l’infraction (II.).

  1. Sur la recevabilité 
  1. La présente plainte est recevable malgré l’absence de saisine du bureau de l’Assemblée Nationale (a), dans la mesure où elle est présentée par des personnes lésées par un délit reproché à un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions ().
  1. a Concernant l’absence de saisine du bureau de l’Assemblée Nationale 
  1. La présente plainte est recevable, nonobstant l’absence de requête du bureau de l’Assemblée

En effet, l’article 68-2 de la Constitution, dont aucune disposition de nature législative ne saurait réduire le champ d’application, prévoit que, sans aucune saisine préalable, tout citoyen, a la possibilité de porter plainte auprès de la Cour de justice de la République lorsqu’un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions lui a porté préjudice.

« Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une commission des requêtes.

Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.

Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d’office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes ».

(article 68-2 de la Constitution)

La procédure devant la Cour de justice de la République est exhaustivement régie par cette disposition constitutionnelle et par la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Il résulte de ces dispositions que toute personne lésée peut saisir la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République. Cette dernière décide de classer la plainte ou de la transmettre au Procureur de la République. Ensuite, si la plainte est recevable, elle est transmise à la Commission d’instruction, qui décide ou non du renvoi à la Cour de justice de la République. Enfin, la Cour de justice de la République se réunit en formation de jugement.

Ces dispositions, qui ont valeurs constitutionnelle et de loi organique prévoient une saisine émanant de toute personne lésée par le délit commis. En ce sens, elles sont incompatibles avec la procédure de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, aux termes duquel seuls le Président de la Commission d’enquête parlementaire et le bureau de l’assemblée parlementaire peuvent saisir l’autorité de poursuite s’agissant des délits réprimés à l’article 6 de cette ordonnance, notamment pour faux témoignage devant la Commission d’enquête parlementaire.

« En cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13,434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables.

Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée intéressée ».

(article 6, III, de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

Il résulte des visas de cette ordonnance du 17 novembre 1958 qu’elle a été adoptée en application de l’article 92 de la Constitution, aujourd’hui abrogé.

Cet article disposait que les ordonnances promulguées sur son fondement ont seulement force de loi.

« Les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions et, jusqu’à cette mise en place, au fonctionnement des pouvoirs publics seront prises en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’Etat, par ordonnances ayant force de loi ».

(article 92 de la Constitution pris dans sa version en vigueur au 17 novembre 1958, soulignement ajouté)

Or, en présence d’une contrariété entre des dispositions relevant de niveaux différents dans la hiérarchie des normes, celles se trouvant au niveau le plus élevé prévalent.

En l’occurrence, les dispositions de l’article 68-2 de la Constitution et celles de la loi organique du 23 novembre 1993 doivent nécessairement primer sur celles de la loi ordinaire, à savoir l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, et ce, quand bien même cette situation est finalement défavorable aux membres du gouvernement. Cette dernière circonstance est indifférente au respect de la hiérarchie des normes.

Par suite, lorsqu’un membre du gouvernement présente un faux témoignage devant une Commission d’enquête parlementaire, toute personne lésée par ce faux témoignage peut directement porter plainte auprès de la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République, sans saisine préalable du bureau de l’Assemblée Nationale.

La présente plainte est donc recevable, malgré l’absence de requête du bureau de l’Assemblée Nationale.

  1. Concernant la lésion causée aux plaignants par les faits litigieux 
  1. L’article 68-2 du la Constitution dispose que seules sont habilités à saisir la Cour de justice de la République, les personnes qui se prétendent lésées par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses

A cet égard, les exposants entendent souligner que la plainte déposée devant la commission des requêtes de la Cour de justice de la République n’est pas une constitution de partie civile. En conséquence, la condition – au demeurant établie en l’espèce – de l’existence d’un préjudice direct n’a pas à être caractérisée pour que la plainte soit recevable.

En ce sens, l’article 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République dispose :

« Aucune constitution de partie civile n’est recevable devant la Cour de justice de la République ».

C’est dans ce contexte juridique qu’il sera démontré que la présente plainte est recevable en ce qu’elle est portée par des personnes lésées par le faux témoignage du Ministre de l’Intérieur.

En l’occurrence, la présente plainte est portée par : des personnes identifiées publiquement comme étant membres du Collectif Bassines Non Merci !, la délégation qui a représenté le collectif devant la Commission d’enquête parlementaire ainsi que des sympathisants du collectif qui s’identifient eux-mêmes, auprès de leur entourage, comme membres du mouvement (pièce n° 5 : liste des signataires).

La présente plainte est également portée par des personnes ayant été jugées et condamnées par le Tribunal correctionnel de Niort pour organisation de la manifestation de Sainte-Soline, dont la deuxième partie du procès a été entachée par la parution, trois semaines plus tôt, du rapport de la Commission d’enquête parlementaire (pièce n° 5 : liste des signataires).

Ces personnes sont toutes lésées par les faits, susceptibles de caractériser des faux témoignages, relatés ci-après en ce qu’ils ont conduit à la conclusion, accablante pour le collectif et ses membres, que Bassines Non Merci ! porterait une responsabilité « absolument écrasante » dans le « déferlement de violences constaté à Sainte-Soline » (pièce n° 4 : rapport de la Commission d’enquête parlementaire, p. 77).

En effet, les attaques mensongères du ministre ont cruellement participé à l’établissement de ce constat puisqu’il a présenté un tableau faussé aux membres de la Commission d’enquête parlementaire en dressant l’image de violences émanant exclusivement des militants et en décrédibilisant gravement le rapport de l’observatoire indépendant des libertés publiques et des pratiques policières, qui a pourtant été précieux pour dénouer les mensonges gouvernementaux.

Or, c’est bien cette responsabilité « absolument écrasante » du collectif Bassines non Merci ! notamment qui est abondamment reprise et commentée par les médias, dont les articles n’hésitent pas à citer le nom de l’un de ses porte-paroles, Monsieur Julien Le Guet14.

Ces faits, susceptibles de caractériser des faux témoignages et qui ont participé à la rédaction de ce rapport à charge, sont d’autant plus graves qu’ils portent une atteinte irrémédiables aux personnes qui ont été jugées le 28 novembre 2023 par le tribunal correctionnel de Niort, puis condamnées à de lourdes sanctions pénales et pécuniaires, notamment pour organisation de la manifestation de Sainte-Soline. Ce procès s’est tenu trois semaines seulement après la parution de ce rapport. À ce titre, il sera notamment rappelé que Monsieur Julien Le Guet a été condamné à deux fois 6 mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’au paiement d’amendes, dommages et intérêts et frais de justice d’un montant de plus de 25 000 €.

Le rapport d’enquête parlementaire, qui s’appuie sur les mensonges du Ministre de l’Intérieur, a d’ailleurs été utilisé durant cette audience par les Procureurs de la République pour justifier les peines requises.

La légalité de ce rapport d’enquête parlementaire et du déroulement des enquêtes qui ont conduit à sa rédaction est douteuse à de nombreux égards. C’est pourquoi il a été déféré à la censure du Conseil d’Etat le 7 janvier dernier.

14 https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/deux-sevres/niort/manifestation-de-sainte-soline-la- commission-d-enquete-parlementaire-sur-les-groupuscules-violents-pointe-la-responsabilite-ecrasante-des-trois- principaux-organisateurs-2873660.html

https://www.lepoint.fr/politique/violences-a-sainte-soline-un-rapport-parlementaire-pointe-la-responsabilite- ecrasante-des-organisateurs-14-11-2023-2542982_20.php

https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/commune/sainte-soline/violences-a-sainte-soline-la- responsabilite-des-organisateurs-absolument-ecrasante

https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/commune/sainte-soline/violences-a-sainte-soline-la- responsabilite-des-organisateurs-absolument-ecrasante

https://www.sudouest.fr/environnement/mega-bassines-de-sainte-soline-le-proces-des-organisateurs-des- manifestations-reprend-ce-mardi-a-niort-17621732.php

https://www.challenges.fr/economie/bassines-reprise-du-proces-des-organisateurs-des-manifestations- interdites_875448

https://www.liberation.fr/environnement/manifestations-anti-bassines-les-organisateurs-de-nouveau-en-proces-a- niort-20231128_UQQFR3BH5FAFRNUN4WFLBEV2YA/

es intérêts des signataires de la présente plainte ont donc clairement été lésés par les déclarations erronées du Ministre de l’Intérieur.

Leur plainte est recevable.

  1. Sur la qualification du délit de faux témoignage 
  1. Par le présent courrier, les exposants portent plainte auprès de la Cour de justice de la République pour des faits susceptibles de caractériser des faux témoignages présentés par Monsieur le Ministre de l’Intérieur lors de son audition à l’Assemblée Nationale le jeudi 5 octobre 2023 durant la séance qui s’est tenue à 9 heures 30 sous la présidence de Monsieur Patrick Hetzel (pièce n° 1 : compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30).

Plusieurs mensonges semblent avoir été proférés à cette occasion et ont été déterminants dans le rapport d’enquête parlementaire à charge rédigé par la Commission d’enquête parlementaire, à savoir :

  • Le fait que, lors de la manifestation de Sainte-Soline, les forces de l’ordre auraient été attaquées par les tirs de projectiles et de cocktails molotovs de milliers de manifestants pendant 1 heure avant de répliquer et de quitter leur ligne () ;
  • Le recours en annulation porté, notamment par la LDH, qui aurait prétendument visé à permettre le transport d’armes jusqu’au lieu de la manifestation () ;
  • La prétendue absence de neutralité des observateurs des libertés publiques et des pratiques policières ().
  1. Le faux témoignage est un délit réprimé à l’article 434-13 du Code pénal, aux termes duquel :

« Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Toutefois, le faux témoin est exempt de peine s’il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement ».

Le délit est donc constitué lorsque :

  • Le témoignage critiqué est un témoignage en justice ou un témoignage devant une Commission d’enquête parlementaire ;

« En cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13,434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables »

(article 6, III, de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

  • Le témoignage a été présenté sous serment ;
  • Le témoignage a été déterminant, c’est-à-dire, pour reprendre diverses expressions de la Cour de cassation, que le témoignage ne portait pas sur une « circonstance accessoire » (Cass. crim. 29 novembre 1951, Bull. crim., n° 329) mais sur des « circonstances essentielles » (Cass. crim. 11 décembre 1957, Bull. crim., n° 827). En d’autres termes, il s’agissait d’un « fait de nature à exercer une influence sur la décision du juge » (Cass. crim. 30 avril 1954, Bull. crim., n° 147, D. 1954.573), d’une « circonstance présentant un intérêt dans l’affaire » (Cass. Crim. 27 janvier 1960, Bull. crim., n° 49, Gaz. Pal. 1960.1.297), d’un fait ayant une « influence sur la solution du procès (Cass. crim. 4 octobre 1961, Bull. crim., n° 373) ;
  • Le témoignage s’est révélé mensonger, notamment en cas d’affirmation d’un fait inexact (Crim. 6 avril 1954, Bull. crim. n° 145) ou en cas d’omissions et réticences volontaires (Crim. 29 novembre 1951, Bull. n° 329) ;
  • Le témoignage a été fait de mauvaise foi et avec une intention dolosive (Crim. 31 mai 1935, crim. n° 72).

Par ailleurs, l’article 434-13 du Code pénal prévoit une exemption de peine en cas de rétractation. Celle-ci doit évidemment intervenir en temps utile, de manière à ce que le faux témoignage n’ait pas d’incidence sur la procédure au cours de laquelle il a été présenté.

« Toutefois, le faux témoin est exempt de peine s’il a rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement ».

(alinéa 2 de l’article 434-13 du Code pénal, soulignement ajouté)

Il sera démontré ci-après que les éléments constitutifs de l’infraction réprimée à l’article 434- 13 du Code pénal sont en l’espèce réunis.

À titre liminaire, il sera relevé que les trois conditions tenant à ce que le témoignage ait été présenté en justice, sous serment et sans révocation sont remplies pour chacun des mensonges détaillés ci-après (a.). Il sera ensuite démontré que les trois autres conditions sont également remplies pour chacun des faux témoignages relevés (b. et s.).

  1. Concernant le témoignage présenté en justice, sous serment et sans révocation 
  1. Premièrement, le témoignage a été présenté devant une Commission d’enquête parlementaire qui, pour l’application de l’article 434-13 du Code pénal, est assimilée à une juridiction (pièce n° 1 : compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30). 
  1. Deuxièmement, le témoignage a été présenté sous serment, comme tout témoignage devant une Commission d’enquête parlementaire.

« Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l’exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. (…) ».

(troisième alinéa de l’article 6, II, de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

Le compte-rendu de l’audition de Monsieur Darmanin précise qu’il a effectivement prêté serment au début de son audition (pièce n° 1 : Compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30, p. 3/21 : « (M. Gérald Darmanin prête serment »).  

  1. Troisièmement, le témoignage de Monsieur le Ministre de l’Intérieur n’a pas été révoqué avant la publication de ce
  1. Concernant la déclaration sur l’absence d’offensive de la part des forces de l’ordre 
  1. La lecture du compte-rendu de l’audition de Monsieur le Ministre de l’Intérieur révèle clairement qu’à ses yeux, l’enjeu de cette Commission d’enquête parlementaire était, autant que faire se peut, de faire reconnaître la responsabilité des militants quant à ce drame

L’enjeu était de taille puisque la responsabilité civile et pénale de l’Etat est engagée par plusieurs victimes en raison, d’une part, des armes de guerre utilisées face aux manifestants et des conditions – à de nombreuses reprises non-réglementaires – de leur emploi, d’autre part, de l’entrave à l’arrivée des secours orchestrée par la gendarmerie nationale, au mépris des vies humaines dont le pronostic était engagé, d’une dernière part, de la divulgation illégale d’informations collectées dans les fichiers judiciaires des blessés.

Les propos de Monsieur Darmanin révèlent clairement le but affiché de son intervention, il dit lui-même que « Toute la question est de savoir qui a été l’agresseur dans cette affaire » (pièce n° 1 : Compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30, p. 11/21).

Dans ce contexte, le Ministre de l’Intérieur a émis, lors de son audition, de nombreuses affirmations erronées. La première a consisté à affirmer que les auteurs des premières violences étaient les manifestants, alors que les forces de l’ordre auraient – selon lui – attendu une heure avant de répondre à ces attaques.

Les propos du Ministre de l’Intérieur étaient les suivants :

« Beaucoup de gens disent aujourd’hui qu’ils étaient venus pacifiquement à Sainte- Soline et que la situation s’est dégradée. Or, à Sainte-Soline, les gendarmes n’ont pas quitté leur ligne. (…) À Sainte-Soline, il n’y a aucun doute. La consigne des gendarmes était claire : malgré l’interdiction de manifestation, ils n’ont jamais avancé contre les colonnes qui arrivaient sur eux, recevant patiemment des milliers de pierres, de haches et de coquetels Molotov. Ils ont accepté de prendre sur eux la violence, qui aurait été bien plus importante s’ils avaient répondu durant la première heure. Or, ils ont tenu leur ligne et c’est lorsque ces personnes sont arrivées au contact que la violence légitime a dû s’exercer afin de les empêcher de passer ».

(pièce n° 1 : Compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30, p. 9/21, soulignement ajouté)

Il sera démontré que cette affirmation est mensongère, de mauvaise foi et formulé avec une intention dolosive (§ 14 et s.). Ce faisant, Monsieur Darmanin a induit en erreur la commission d’enquête, qui a largement tenu compte de ses déclarations dans son rapport final (§ 17).

  1. D’une part, la déclaration, selon laquelle les gendarmes n’auraient pas quitté leur ligne, ne seraient intervenus qu’après avoir reçu des milliers de pierres, de haches et de cocktails Molotov et qu’ils auraient patiemment attendu durant une heure entière, est mensongère et de mauvaise

Cette déclaration est absolument essentielle car c’est bien l’usage indiscriminé et disproportionné des armes par les forces de l’ordre qui a provoqué le désastre humain que nous connaissons.

En effet, les rapports établis sur place révèlent des faits, décrits ci-après, totalement opposés à ceux décrits par le Ministre de l’Intérieur.

  1. À titre liminaire, il sera souligné que les preuves utilisées à l’appui de la démonstration sont les publications et vidéos journalistiques réalisées par des professionnels présents sur place, ainsi que le rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières rédigé par les observateurs indépendants également présents sur le

Les rapports officiels sont quant à eux inexploitables, dans la mesure où la chronologie des évènements y est lacunaire. À titre d’illustration, l’heure d’arrivée des manifestants face à la méga-bassine n’y est même pas mentionnée. Ceux-ci ayant marché durant 6 km pour arriver sur place, il est impossible, à la seule lecture de ces rapports qui mentionnent uniquement l’heure de départ du site de rassemblement, de connaître l’heure d’arrivée des manifestants au droit de la méga-bassine.

D’autres documents sont en revanche exploitables et seront analysés ci-après.

  1. Premièrement, il est établi que les gendarmes ont bien quitté leur ligne – située le long de la méga-bassine – avant même que les manifestants n’arrivent à leur niveau, de sorte qu’aucun projectile n’a matériellement pu être envoyé par les cortèges avant que les forces de l’ordre ne quittent leur ligne. A fortiori, les forces de l’ordre n’ont donc pas reçu patiemment, pendant une heure, des milliers de projectiles prétendument lancés par les cortèges de

En effet, il ressort du rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières que le peloton motorisé d’intervention et d’interpellation (PM2I) s’est détaché de la ligne des forces de l’ordre, alors que les manifestants étaient encore à plus d’un kilomètre de la méga-bassine. À ce stade, aucun projectile n’avait donc été lancé par les « colonnes » de manifestants.

Le rapport des observatoires relève en ce sens :

« Alors que le cortège bleu fait une pause et arrête d’avancer à environ 1.4 km de la bassine, le PM2I est en mouvement à partir de 12h25 environ ».

(pièce n° 6 : rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, p. 42)

De ce seul point de vue, il est d’ores et déjà établi que les gendarmes n’ont pas maintenu leur ligne, contrairement à ce qu’affirme le Ministre de l’Intérieur.

Et, c’est bien en quittant leur ligne que les forces de l’ordre ont créé, par la confrontation, le rapport de force qui a conduit à une réaction des manifestants, puis a mené à une violence disproportionnée et indiscriminée de la part des militaires.

  1. Deuxièmement, il ressort des constats sur place que, contrairement à ce qu’affirme le Ministre de l’Intérieur, c’est justement les forces de l’ordre qui ont déclenché une réaction des manifestants en quittant leur ligne et en venant à l’affrontement.

Il résulte en effet des rapports établis par les observateurs présents sur place que, face à l’arrivée des quads du PM2I vers les cortèges, deux manifestants ont envoyé, à bonne distance des gendarmes, des feux d’artifice.

Suite à cet envoi, une pluie de gaz lacrymogènes s’est abattue sur tout le cortège, alors que seuls deux manifestants avaient tirés des feux d’artifice sans même que les protagonistes n’aient tenté de viser les gendarmes.

« A 12h35, de manière quasi-concomitante, un feu d’artifice est tiré en direction du PM2I de la part des manifestant·e·s et atterrit à plusieurs dizaines de mètres des gendarmes. Les gendarmes du PM2I tirent plusieurs grenades lacrymogènes sur l’ensemble du cortège bleu en réponse »

(pièce n° 6 : rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, p. 43)

Comme le relèvent les médias et le rapport des observatoires, la réaction des forces de l’ordre a été plus qu’immédiate, ils n’ont aucunement reçu, durant une heure, des « milliers de pierres, de haches et de coquetels Molotov ».

Pire, après avoir tiré, sans sommation, sur un premier cortège de manifestants en réaction à un tir éloigné de deux feux d’artifice, le PM2I s’est dirigé vers un autre cortège et, sans raison, a à nouveau tiré sur ce cortège.

« Cet usage de la force se fait sans qu’aucune sommation ait été entendue (alors qu’une équipe se trouvait à quelques mètres du PM2I). Alors que le cortège n’avançait plus vers la bassine (certain·e·s manifestant·e·s s’étant même assis·e·s dans le champ), les gaz obligent les manifestant·e·s à se déplacer. Iels reprennent le mouvement vers la bassine.

Après avoir tiré sur le cortège bleu, le PM2I fait demi-tour, repartant en direction de la bassine et allant, cette fois-ci, à la rencontre du cortège rose.

(…) Quelques minutes plus tard, le PM2I se dirige cette fois-ci vers le cortège rose. Sans aucune raison apparente, il procède, à 12h47, à des tirs « longue portée » de grenades lacrymogènes dans le champ sans aucune sommation audible ».

(pièce n° 6 : rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, p. 44 et 45)

En ce sens, le Courrier de l’Ouest confirme la chronologie retracée par les observatoires des libertés publiques et des pratiques policières puisqu’à 12h39 ils font paraître leur première communication mentionnant les « premiers heurts » avec publication de manifestants asphyxiés par un nuage de gaz lacrymogènes.

Ces photographies confirment également qu’au moment des premiers tirs, les manifestants n’avaient pas atteint la bassine, ni même a fortiori la ligne des forces de l’ordre qui était déployée autour de l’ouvrage.

(pièce n° 7 : Article du Courrier de l’Ouest – direct de la manifestation du 25 mars 2023)

Le reportage réalisé par complément d’enquête confirme également que, sans avoir reçu aucun tir de projectiles, les forces de l’ordre – après avoir tiré sur le cortège ayant envoyé deux feux d’artifice – ont tiré sur un cortège totalement pacifiste. À ce moment-là, le cortège n’était toujours pas arrivé au niveau des forces de l’ordre déployées autour de l’ouvrage.

Le reportage diffuse le témoignage suivant du colonel de la gendarmerie :

« Colonel – « Et Mike ils ne tirent pas, dis-leur tout de suite qu’ils ne tirent pas sur le rose. Et putain, mais ils tirent ! Ils sont cons ou quoi ?

Voix off – Il est 12 :48, le cortège dit familial se retrouve dans un brouillard de gaz lacrymogènes.

[…] Journaliste – C’était pas le bon cortège ?

Colonel – Non ».

(Source : extrait du reportage complément d’enquête « Manifs : la guerre est

déclarée ?» à 14 minutes

https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/4802788-manifs-la-guerre-est-declaree.html

En affirmant que les forces de l’ordre auraient reçu une pluie de projectiles sans répliquer durant une heure et sans quitter leur ligne, Monsieur Darmanin a donc proféré, sous serment, un mensonge grossier et particulièrement néfaste à la bonne compréhension du déroulé des évènements par la Commission d’enquête parlementaire.

Ce mensonge a été affirmé en toute connaissance de cause par le Ministre de l’Intérieur puisque les éléments publics repris ci-dessus ont été diffusés avant son audition par la Commission d’enquête parlementaire.

Il s’agissait d’une manœuvre dolosive clairement destinée à jeter l’opprobre sur les militants engagés dans cette lutte et disculper le gouvernement de toute responsabilité dans ces violences mutilantes.

  1. D’autre part, il ressort de la lecture du rapport d’enquête parlementaire que l’impact de cette déclaration a été majeur sur le travail rendu et publié par la Commission d’enquête Cet impact a été d’autant plus important que la Commission d’enquête parlementaire se permet, en mépris de la séparation des pouvoirs, de tirer des conséquences quant à la responsabilité des affrontements.

Le rapport relève en effet :

« La très grande étendue des champs entourant l’infrastructure, sur un terrain plat s’étendant à perte de vue, conjuguée à la position défensive des forces de l’ordre autour de la « mégabassine », permettent de conclure que les affrontements impliquant un contact direct ont été le fruit d’une démarche délibérée et conçue comme telle.

(…) Les éléments recueillis par la commission montrent, en effet, que le dispositif des forces de l’ordre revêtait un caractère par nature défensif.

(…) Cela étant, il paraît indiscutable que la majeure partie des affrontements et le tir de près de 6 000 grenades lacrymogènes résultent des mouvements successifs opérés par des éléments activistes et radicaux, parmi lesquels des black blocs, sur les flancs de la retenue de substitution de Sainte-Soline.

(…) Au total, la responsabilité des trois organisateurs dans le déferlement de violences constaté à Sainte-Soline est absolument écrasante. »

(extrait du rapport de la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements, p. 71 à 77, soulignements ajoutés)

En conclusion, aux vues de tous ces éléments, il est indiscutable que Monsieur le Ministre de l’Intérieur a présenté, sous serment, devant une Commission d’enquête parlementaire, un témoignage mensonger, déterminant, de mauvaise foi et avec une intention dolosive sur les évènements qui se sont déroulés à Sainte-Soline le 25 mars 2023.

  1. Concernant la déclaration sur les recours contre l’interdiction de « transport d’armes » 
  1. Monsieur le Ministre de l’Intérieur a également livré un témoignage mensonger par omission en soutenant que l’arrêté interdisant le transport d’armes aurait été contesté par la Confédération paysanne, l’Union départementale CGT 79, Solidaires 79, ainsi que la Ligue des droits de l’homme, sans préciser l’intitulé exact de cet arrêté qui portait plus précisément sur le transport d’armes par destination (pièce n° 8 : Tribunal administratif de Poitiers, 24 mars 2023, req. n° 2300818). Pour rappel, l’arrêté était intitulé arrêté « portant interdiction du port et transport d’armes, toutes catégories confondues, de munitions et d’objet pouvant constituer une arme par destination » (pièce n° 9 : Arrêté du 17 mars 2023 portant interdiction du port et transport d’armes, toutes catégories confondues, de munitions et d’objet pouvant constituer une arme par destination).

En effet, lors de son intervention, Monsieur Darmanin a affirmé :

« Ils ont accepté de sauter toutes les étapes démocratiques, l’autorisation du préfet, les décisions administratives, les décisions judiciaires, y compris d’ailleurs les interdictions de transport de matériel dangereux. On a quand même attaqué les interdictions de transporter des matières ou des armes dangereuses dans les Deux-Sèvres. On est quand même dans un système de désescalade qui est compliqué quand vous contestez même l’arrêté du préfet qui dit « faut pas prendre d’armes dans sa voiture ».

(audition de Monsieur Gérald Darmanin le 5 octobre 2023 devant la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements15, 1h12, soulignement ajouté)

Ces allégations du ministre de l’Intérieur sont anciennes, puisqu’il tient ce discours depuis avril 2023, alors même que la LDH lui a signifié à plusieurs reprises le manque d’exactitude de ses propos puisque ce n’est aucunement le fait de transporter des armes qui a été contesté par ces associations mais l’interdiction de transporter des armes par destination, dans la mesure où la définition juridique des armes par destination est particulièrement large et laisse une trop grande place à l’interprétation.

En ce sens, la LDH a :

  • Contesté les allégations de Monsieur Darmanin par un communiqué en date du 5 avril 2023 (pièce n° 10 : Communiqué de presse en réponse aux déclarations de Monsieur le Ministre de l’Intérieur du 5 avril 2023) ;
  • Confirmé sa position par une tribune parue dans Mediapart et sur le site de la LDH le 27 avril 2023 (pièce n° 11 : Communiqué tribune du Président de la LDH « la LDH renforcée et combative dans une période de turbulences » publiée sur Médiapart ») ;
  • Demandé, le 11 octobre 2023, au Ministre de l’Intérieur la « rectification de ses dires erronés » devant la Commission d’enquête parlementaire et ce avant la parution du rapport d’enquête parlementaire (pièce n° 12 : Lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement) ;
  • Rappelé par un communiqué en date du 12 décembre 2023 la problématique soulevée par cette confusion entre l’interdiction de port d’armes et l’interdiction de port d’armes par destination (pièce n° 13 : Communiqué une interdiction de port d’armes dévoyée pour mieux interdire le droit de manifester).

Sur le fond, la LDH a clairement expliqué avoir choisi de contester ces décisions dans le but de préserver le droit de manifester, car l’édiction dévoyée d’arrêtés d’interdiction de port d’armes permettait, concrètement, d’interpeller n’importe quelle personne, puisque la définition des armes par destination est excessivement large, dès lors qu’elle se trouvait sur le périmètre de cette interdiction, en l’occurrence un périmètre incluant 100 communes. Ces arrêtés octroyaient un pouvoir discrétionnaire et excessif aux forces de l’ordre déployées sur place.

« La LDH introduit un référé-liberté contre les arrêtés pris par la préfète des Deux- Sèvres et par le préfet de la Vienne en date du 17 mars portant interdiction temporaire du port et du transport d’armes, toutes catégories confondues, de munitions et d’objets pouvant constituer une arme par destination.

15               https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13953572_651e62ad3b4ab.organisation-des-groupuscules- violents-en-manifestations–m-gerald-darmanin-ministre-de-l-interie-5-octobre-2023

Ces arrêtés ont été pris dans le cadre des mobilisations prévues du 24 au 26 contre le projet de mégabassine à Ste-Soline et visaient un nombre très importants de communes limitrophes.

Par deux arrêtés, le port d’armes a été interdit durant toute la période de la mobilisation. Mais la formulation de ces arrêtés permet en réalité l’interpellation de toute personne en possession d’un quelconque objet.

S’il n’est bien entendu pas envisageable pour la LDH de contester des arrêtés interdisant le port d’armes, la rédaction des articles premier des arrêtés contestés. a pour objet d’autoriser les forces de police à infliger une contravention à toute personne présente sur ce territoire qui serait titulaire d’objets du quotidien susceptibles de constituer une arme par destination au sens de l’article 132-75 du code pénal dès lors que ledit objet a effectivement été utilisé pour tuer ou pour blesser. C’est donc a posteriori que la qualité d’arme peut être retenue et en aucun cas avant que ledit objet ait été utilisé pour tuer ou blesser.

Concrètement donc, c’est toute personne présente sur le territoire de ces cent communes qui est susceptible d’être ici poursuivie en vertu de l’arrêté attaqué ».

(pièce n° 13 : communiqué une interdiction de port d’armes dévoyée pour mieux interdire le droit de manifester).

C’était donc dans un souci de protection des droits que l’arrêté portant interdiction de transport d’armes par destination a été contesté et évidemment pas dans le but de permettre à des personnes de transporter des armes par nature au cours de la manifestation.

« Or, en réalité, ce sont les seules dispositions visant le transport d’armes par destination qui ont été attaquées par la LDH, dans la mesure où un tel arrêté, combiné à des réquisitions du parquet permettant la fouille des véhicules sur une zone de plus de 30 km, laissait la porte ouverte à l’arbitraire des agents pour apprécier ce qui pouvait être considéré ou non comme une arme. À telle enseigne que des observateurs se sont fait confisquer leur casque ou leurs lunettes de protection, ainsi que le rapport le détaille ».

(pièce n° 12 : Lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement)

Cette omission du Ministre de l’Intérieur était clairement volontaire puisqu’il était parfaitement informé de la portée du recours introduit par la LDH. L’association avait déjà interpelé Monsieur Gérald Darmanin sur la question en avril 2023.

« Le ministre de l’Intérieur a mis en cause ce jour la participation de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) à des observatoires citoyens qui ont notamment documenté le dispositif de maintien de l’ordre sur la zone de Sainte-Soline dans le cadre des mobilisations contre les « mégabassines », les 24-26 mars 2023.

Il opère une confusion dommageable sur la notion d’observateur indépendant, indépendance qui s’entend vis-à-vis des pouvoirs publics et non des positions que peut prendre la LDH comme association défendant les droits et libertés indivisibles.

Les trois arguments qu’il mobilise pour ce faire sont, de plus, faux ou biaisés :

[…] – Le fait que la LDH a « attaqué l’arrêté de la préfète qui empêchait le transport d’armes », ce qui ne serait « pas très pacifique ».

La LDH a en effet formé un recours de principe en référé-liberté contre les arrêtés pris par la préfète des Deux-Sèvres et le préfet de la Vienne1 prévoyant l’interdiction

« d’armes par destination ». La LDH contestait la définition choisie, qui méconnaissait la jurisprudence du Conseil constitutionnel refusant l’extension a priori de la notion d’arme à tout objet pouvant être utilisé comme projectile.

Dans le cadre limité qui est le sien, le juge des référés n’a pas donné droit à cette demande de la LDH, mais celle-ci saisit le tribunal administratif au fond.

Les associations se portant devant les juridictions sont-elles dangereuses selon M. Darmanin ? […]»

(pièce n° 10 : Communiqué de presse en réponse aux déclarations de Monsieur le Ministre de l’Intérieur du 5 avril 2023).

En omettant sciemment cette précision, le Ministre de l’Intérieur tente de dénigrer les opposants aux méga-bassines.

Pire, le Ministre de l’Intérieur, saisi par la LDH d’une demande en ce sens, n’a aucunement rétracté ses propos, alors que cette interpellation publique lui avait été adressée le 11 octobre 2023, près d’un mois avant la publication du rapport, de sorte qu’il disposait du temps nécessaire pour rétablir la vérité (pièce n° 12 : Lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement).

Il a donc sciemment décidé de maintenir cette ambiguïté devant la Commission d’enquête parlementaire.

  1. De nouveau, cette affirmation a eu des conséquences sur le rapport d’enquête parlementaire qui relate à de multiples reprises la violence des

« De fait, l’analyse du déroulement de la journée conduit à distinguer les manifestants venus exprimer leur opposition aux retenues de substitution des profils activistes et radicaux prêts à mener des dégradations matérielles et des violences contre les forces de l’ordre.

[…] En réalité, tout laisse à penser que les organisateurs de la manifestation de Sainte- Soline se pensent avant tout comme des « soldats » d’une cause intégrant pleinement l’enjeu et la nécessité de la radicalité violente

[…] les faits recueillis par la commission d’enquête démontrent la présence, en amont de la manifestation, d’activistes violents préparés à l’affrontement.

[…] Les différents acteurs de la sécurité publique, interrogés par la commission d’enquête, font ainsi état de la présence de 800 à 1 000 individus extrêmement violents et organisés, dont près de 500 black blocs, à l’origine de nombreuses exactions contre les gendarmes.Au-delà de l’intensité des affrontements, les évènements survenus à Sainte-Soline le

25 mars 2023 frappent, à l’évidence, par l’importance des violences et des dégradations.

(extrait du rapport de la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements, pp. 69 à 74).

Il apparaît que Monsieur le Ministre de l’Intérieur a présenté, sous serment, devant une Commission d’enquête parlementaire, un témoignage mensonger par omission et déterminant sur les évènements qui se sont déroulés à Sainte-Soline le 25 mars 2023.

  1. Concernant la déclaration sur l’absence de neutralité des membres des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières
  2. Monsieur le Ministre de l’Intérieur parait avoir proféré un troisième faux témoignage durant cet entretien de seulement 2h10. Il a mis en cause la crédibilité des observateurs des libertés publiques et des pratiques policières – qu’il assimile à la LDH – dont la neutralité et le sérieux du travail de terrain étaient pourtant le principal élément à décharge probant qu’ont produit les personnes mises en cause par la Commission d’enquête parlementaire, afin d’expliciter le déroulement des évènements du 25 mars

Il a en effet déclaré, à l’issue de son entretien :

« Enfin, permettez-moi de dire que la Ligue des droits de l’homme n’avait pas un statut d’observateur à Sainte-Soline puisqu’elle a appelé à manifester malgré l’interdiction. Cela a fait l’objet d’une décision de justice. La Ligue a même attaqué les arrêtés de la préfète demandant de ne pas transporter d’armes dans le département : voilà de drôles d’observateurs neutres ! ».

(pièce n° 1 : compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30, p. 20/21)

En plus de déclarer que la LDH avait appelé à attaquer l’interdiction de transport d’armes en omettant sciemment de préciser « par destination », comme cela vient d’être démontré (cf. supra § 2.c), il parait également avoir présenté un faux témoignage en affirmant que la LDH aurait appelé à manifester malgré l’interdiction de manifestation.

En effet, comme l’a relevé, à de nombreuses reprises, la LDH, elle n’a jamais appelé à participer à une manifestation interdite.

Deux sections locales – et non les observatoires des libertés publiques et des pratiques policières eux-mêmes – avaient appelé à manifester avant que l’interdiction de manifester ne soit publiée puis, la section régionale, toujours avant la publication de l’interdiction de manifester, avait appelé à se rassembler à Melle, lieu de festivité et de tenue de diverses conférences et projections de films, dans une commune où les manifestations n’ont aucunement été interdites.

« Il a de nouveau mis en cause la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et a affirmé que l’association avait appelé à participer à la manifestation interdite à Sainte-Soline du 5 mars 2023. Or si deux des sections locales de la LDH avaient soutenu les rassemblements prévus les 24 et 26 mars, c’était avant que les interdictions de manifester n’aient été décidées. Ensuite, le comité régional Poitou-Charentes de l’association n’a appelé qu’à un rassemblement dans la commune de Melle, rassemblement déclaré qui n’a pas été interdit et au cours duquel des militants de l’association ont simplement tenu un stand.

En tout état de cause, la LDH nationale n’a jamais appelé à participer à cette manifestation ».

(pièce n° 12 : lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement).

Monsieur Darmanin ne pouvait donc sérieusement soutenir que la LDH aurait appelé à manifester malgré l’interdiction, les appels ayant été faits par des sections locales et avant le prononcé de cette interdiction.

C’est en toute connaissance de cause que Monsieur Darmanin a affirmé ces allégations erronées à la Commission d’enquête parlementaire puisque la LDH l’avait déjà alerté sur ces points dont il avait déjà fait état au sein de l’Assemblée Nationale le 5 avril 2023 et lui avait également demandé – vainement – de rétracter ses allégations (pièce n° 10 : Communiqué de presse en réponse aux déclarations de Monsieur le Ministre de l’Intérieur du 5 avril 2023 ; pièce n° 12 : Lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement).

Il est donc clair que, ce faisant, Monsieur le Ministre de l’Intérieur parait avoir présenté un faux témoignage.

  1. Ces faits susceptibles de caractériser des faux témoignages ont eu un lourd impact sur la rédaction du rapport d’enquête parlementaire.

En effet, le travail d’enquête de terrain réalisé par les observateurs des libertés publiques et des pratiques policières a été essentiel pour démontrer la disproportion de l’action gouvernementale. Il est encore utile dans la présente plainte pour démontrer les mensonges avancés par le Ministre de l’Intérieur durant son audition. Cette décrédibilisation a donc conduit à la rédaction d’un rapport d’enquête parlementaire chargeant les collectifs et syndicat ayant organisé cette mobilisation.

Cette manœuvre dolosive a fonctionné puisque la Commission d’enquête parlementaire ne présente pas les observateurs des libertés publiques et des pratiques policières comme des observateurs mais des « participants » qu’elle n’hésite pas à opposer à la Préfète des Deux- Sèvres, comme s’ils étaient deux adversaires, alors que ces observateurs sont reconnus comme étant neutres au regard du droit international16.

16« La qualité d’observateur·ice indépendant·e est accordée lorsque l’observateur·ice est indépendant·e de l’Etat, qu’iel ne participe pas à la manifestation et que son principal objectif est de documenter les pratiques des forces de l’ordre pendant une manifestation.

« Certains participants estiment que les phases d’accalmies permettaient l’envoi des secours (1) tandis que la préfète des Deux-Sèvres relève qu’« une escorte de gendarmerie […] prévue pour accompagner les véhicules de secours sur le lieu d’attroupement a, au moins, une fois, été prise à partie par les manifestants » (2).

  • « Sainte Soline, 24-26 mars 2023, Empêcher l’accès à la Bassine quel qu’en soit le coût humain », Rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, juillet 2023, pp. 103-104. » ».

(Pièce n° 4 : rapport d’enquête parlementaire, p. 76) 

  1. Par suite, il est définitivement démontré qu’à plusieurs reprises, Monsieur le Ministre de l’Intérieur semble avoir présenté, sous serment, devant une Commission d’enquête parlementaire, des témoignages mensongers, de mauvaise foi, à des fins dolosives et déterminants sur la rédaction du rapport de la Commission d’enquête parlementaire.

Les pièces du dossier justifient l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de Monsieur Gérald Darmanin.

Il est plus que nécessaire, aujourd’hui, que toute la lumière soit faite, de manière objective, sans manipulation, sur les évènements du 25 mars 2023 à Sainte-Soline et que les personnes qui participent à la désinformation du public sur ce débat d’intérêt général soient condamnées.

Ces faux témoignages ayant largement blessés les citoyens qui les ont entendu ou en ont entendu les échos, il nous a paru essentiel de partager largement notre action en réalisant une pétition de soutien. Aussi, vous trouverez, parmi les pièces jointes au présent courrier, la pétition de soutien ainsi que la liste des contributions à cette pétition (pièce n° 14 : Liste des signataires de la pétition de soutien).

Dans l’attente de votre retour quant aux suites données à la présente plainte, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission des requêtes de la Cour de Justice de la République, en l’expression de nos sincères salutations,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le droit international insiste sur la nécessité de permettre à toute personne de participer à cette activité d’observation.

La qualité d’observateur·ice est reconnue par le droit international à une personne au regard de sa mission pendant une manifestation, et non à l’association en tant que telle, qui se doit seulement d’être indépendante de l’État »

(Pièce n° 6 : Rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, p. 5/164).

 

Pièces jointes :

  1. Compte rendu de la séance du 5 octobre 2023 à 9h30
  2. Article 20 minutes Mégabassines « Dans les Deux-Sèvres, plus de 000 policiers et gendarmes pour encadrer la manifestation »
  3. Rapport du Directeur général de la gendarmerie nationale sur la manifestation du 24- 26 mars à Sainte-Soline
  4. Rapport d’enquête parlementaire
  5. Liste des signataires
  6. Rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières
  7. Article du Courrier de l’Ouest – direct de la manifestation du 25 mars 2023
  8. Tribunal administratif de Poitiers, 24 mars 2023, N° 2300818
  9. Arrêté du 17 mars 2023 portant interdiction du port et transport d’armes, toutes catégories confondues, de munitions et d’objet pouvant constituer une arme par destination
  10. Communiqué de presse en réponse aux déclarations de Monsieur le Ministre de l’Intérieur du 5 avril 2023
  11. Communiqué tribune du Président de la LDH « la LDH renforcée et combative dans une période de turbulences » publiée sur Médiapart »
  12. Lettre ouverte à Patrick Hetzel sur la commission d’enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des mobilisations entre le 16 mars et le 3 mai 2023 et de leur déroulement
  13. Communiqué « une interdiction de port d’armes dévoyée pour mieux interdire le droit de manifester »
  14. Liste des signataires de la pétition de soutien

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