Un rapport sur le glyphosate enterré pendant 8 ans

Reporterre
27 mars 2024
Il a été enterré pendant huit ans, sans explication. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a rendu public, lundi 25 mars, un rapport sur la génotoxicité des pesticides à base de glyphosate — c’est-à-dire leur capacité à altérer l’ADN. Présenté le 27 septembre 2016 aux instances de l’agence, ce rapport a ensuite disparu, sans être rejeté, ni endossé. Une situation qui n’était jamais arrivée dans l’histoire de l’Anses, selon Le Monde.

Le quotidien a demandé la consultation de ce document à l’Anses en octobre 2021, mais l’agence a refusé, notamment au motif que celui-ci n’avait pas été formellement adopté. Le Monde a alors porté l’affaire devant le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne) et l’Anses a finalement communiqué le dossier à la veille de l’audience. Le rapport conclut qu’il est impossible de se prononcer sur la génotoxicité du glyphosate à la lumière des travaux étudiés.

Besoin de tests supplémentaires

Pourquoi ce rapport a-t-il été enterré pendant huit ans ? L’Anses explique que c’est parce que la question de l’évaluation de la génotoxicité des produits à base de glyphosate est déjà traitée et résolue au niveau européen par un groupe de travail mis en place par la Commission européenne depuis 2016.

« Complètement faux », répond François Veillerette, porte-parole de l’ONG anti-pesticides Générations Futures, qui précise que les tests recommandés par l’Anses sont plus poussés que ceux de la méthodologie européenne. Résultat : à la lumière de ce rapport, « les évaluations de pesticides formulés à base de glyphosate ne respectent pas aujourd’hui les recommandations des experts de l’Anses », dénonce François Veillerette.

« Revoir de toute urgence la réautorisation »

La confusion autour de ce rapport non publié est renforcée par le désaccord entre ses auteurs — écrit noir sur blanc— au sujet d’une étude de chercheurs portugais qui démontrait l’effet génotoxique d’un produit à base de glyphosate sur des poissons. Si presque tous ont estimé que ces résultats étaient « entachés de très nombreuses incertitudes et biais méthodologiques », un scientifique du groupe a jugé que ces travaux constituaient « un faisceau de résultats convaincants représent[ant] une véritable alerte sur un effet génotoxique induit par différentes formulations ».

À la lecture de ce rapport de l’Anses enfin publié, Générations Futures demande aux autorités françaises et européennes « de prendre en compte immédiatement ses principales recommandations, notamment en matière de test de génotoxicité, afin de revoir de toute urgence la réautorisation qui vient d’être accordée au glyphosate pour dix ans et qui doit, dans l’attente des résultats de ces nouveaux tests, être suspendue ».

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