Grâce au #MeTooHôpital initié par Karine Lacombe, les soignantes témoignent par centaines

Head of the Infectious Diseases Department at the Saint-Antoine Hospital (AP-HP) Karine Lacombe poses at the Saint-Antoine Hospital in Paris, on November 10, 2020. (Photo by Anne-Christine POUJOULAT / AFP)
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine, à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, a lancé le 10 avril le #MeToo hôpital.

SANTÉ – Dans un milieu où l’on soigne sans se plaindre, les femmes se livrent pour la première fois à cœur ouvert. L’infectiologue Karine Lacombe a mis fin à l’omerta mercredi 10 avril, en accusant nommément le médiatique urgentiste Patrick Pelloux de « harcèlement sexuel et moral » dans Paris Match. Des accusations que l’intéressé réfute. L’infectiologue a ouvert une brèche, et depuis son témoignage, des centaines d’autres affluent sur les réseaux sociaux avec le #MeTooHôpital.

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Dans C l’hebdo ce samedi 13 au soir, Karine Lacombe a déclaré avoir reçu en 48 heures une trentaine de messages de soignantes, dont certaines évoquent des agressions ou des faits relevant du harcèlement sexuel. Celle qui avait à cœur de lancer enfin un #MeToo hospitalier, à l’image de ce qui s’est fait par le passé au cinéma, dans la presse ou pour les violences intrafamiliales, a en effet souligné que les agressions qu’elle a subies dans les années 2000 étaient loin d’être isolées.

La jeune génération aussi concernée

Les nouveaux témoignages de soignantes qui tombent par dizaines chaque heure sur X (ex-Twitter) lui donnent raison. « J’ai vécu mon lot de gestes déplacés et d’agressions (pelotage de seins, baisers forcés dans des ascenseurs) », écrit l’une de ces femmes.

Des « micro-agressions », elle les a subies tous les jours quand elle était externe, puis interne en médecine dans les années 1990, tout comme de la drague « lourdissime ». « Imaginez un interne (…) qui débarque dans votre chambre vous charge sur son épaule comme un sac de patates et vous emmène malgré vos cris dans sa chambre où il a mis un voile rouge sur la lampe de chevet », se souvient-elle.

Depuis des années, ces agressions et humiliations perdurent, sans que personne n’y mette fin. Karine Lacombe a raconté d’ailleurs que sa propre fille avait été victime d’« allusions sexuelles » lorsqu’elle était encore étudiante en médecine. « Si cette nuit tu t’ennuies, il y a la petite à côté, elle est là pour ça », aurait lancé un médecin « senior » à un interne, aucunement gêné par la présence de la jeune femme. « Ce que j’ai vécu il y a 25 ans, ça perdure encore maintenant », déplore-t-elle, dans la séquence ci-dessous.

« Tu n’es pas assez nue pour que je t’aide »

Effectivement, on trouve sur la toile des témoignages très récents. « Clinique privée métropole lilloise, grand groupe, 2021. Le chirurgien et son aide notaient les infirmières selon un score de “baisabilité” », relate une jeune soignante, ajoutant qu’elle ne s’est pas laissée faire en demandant aux concernés de lui « expliquer les règles de leur petit jeu ».

« C’était il y a 3-4 ans », se remémore une autre. « Je nettoyais mon bureau après avoir reçu un patient contagieux », raconte celle qui demande alors à un collègue de l’aider. Ce dernier lui répond avec dédain : « Tu n’es pas assez nue pour que je t’aide ».

Expérience choquante aussi pour cette médecin « externe puis interne à cheval sur les années 2010-20 » qui se livre de manière anonyme : « À deux reprises, la main d’un chef s’est retrouvée sur ma cuisse sans que je ne sache ni pourquoi, ni comment. Tellement sidérée que je n’ai même pas pu réagir. Et cela aurait pu être bien pire. »

Des hommes sont aussi victimes de ces médecins agresseurs, à l’instar de ce médecin spécialiste en santé publique qui explique s’être « éloigné de l’hôpital » à cause de la violence de certains supérieurs hiérarchiques. « J’ai été victime d’homophobie par les mêmes qui avaient des comportements sexistes avec mes collègues au féminin », affirme-t-il.

Pétries par la peur du jugement et du manque de considération de leurs plaintes, les victimes se sont murées dans le silence. Mais dans les directions des hôpitaux, et chez les syndicats, le sujet est connu de tous. « Ça fait des semaines, des mois, des années, qu’on essaye de faire sortir ça », a insisté Emmanuel Hai, le président du Syndicat Internes hôpitaux Paris auprès de BFMTV. C’est justement pour crever l’abcès que Karine Lacombe a souhaité témoigner, et espère désormais que les accusés « aient une prise de conscience ».

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