20 janvier 2025
La centrale de Gardanne, ici en 2024, est la plus grande centrale biomasse de France. – Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/François Goglins
Décriée par les écologistes, la centrale redémarre en l’absence d’une nouvelle enquête publique. Celle-ci a pourtant été imposée par la justice. La centrale bénéficie d’une aide de 800 millions d’euros sur huit ans.
Marseille (Bouches-du-Rhône), correspondance
Cette fois-ci, elle est peut-être bien partie pour fonctionner, treize ans après l’annonce de sa conversion du combustible charbon vers le bois. À Gardanne, non loin d’Aix-en-Provence, la plus grande centrale biomasse de France s’est remise en branle le 15 janvier, après deux ans et demi d’interruption. L’industriel GazelEnergie, filiale française du groupe du milliardaire tchèque Daniel Křetínský, avait stoppé la production pour négocier avec le gouvernement afin d’obtenir un tarif préférentiel de rachat de l’électricité.
Fin 2024, Olga Givernet, la ministre de l’Énergie – son mandat a duré un trimestre, comme le gouvernement Barnier -, est venue sur place annoncer le bonus accordé à l’industriel : 800 millions d’euros sur huit ans. Pour la ministre, cette faveur est justifiée par la sauvegarde des quatre-vingt-dix emplois sur site et par l’activité des dockers de Fos-sur-Mer déchargeant le bois d’importation.
Pour Kretinsky, un cadeau de 800 millions d’euros
« GazelEnergie va vendre son électricité trois fois le prix », s’étrangle Luc Le Mouel, coprésident de l’Association de lutte contre toutes formes de nuisances et pollutions (ALNP). Il dénonce un « cadeau » d’autant plus « scandaleux », qu’il est annoncé en pleine période de coupes budgétaires. Plusieurs associations locales et de défense des forêts continuent de fustiger la « mégacentrale », source « d’industrialisation de la forêt ».
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« Ce tarif vient couvrir les coûts de production dans un contexte d’inflation des prix de combustibles. Il est strictement encadré par la loi et par un contrôle de l’autorité de régulation de l’énergie », indique GazlEnergie dans un courriel à Reporterre. Le nouveau contrat prévoit 4 000 heures de fonctionnement annuel, en particulier au cœur de l’hiver, pour répondre à la hausse saisonnière de la demande. Soit une durée divisée par deux par rapport à l’ancien contrat. Le volume de bois prévu à la consommation est ramené à 450 000 tonnes, contre 850 000 tonnes initialement projetées. L’industriel reçoit donc de l’argent public pour produire bien moins que prévu.
Ce n’est pas tout. Une seconde largesse, sous forme de déni de justice, a été offerte à l’industriel par les autorités. La centrale va pouvoir tourner sans respecter plusieurs règles, notamment en ce qui concerne ses conséquences sur les ressources forestières. Au bout de six ans de procédures engagées par les opposants, la cour administrative d’appel de Marseille a en novembre 2023 intimé à l’industriel l’ordre de prendre en compte les conséquences sur l’environnement des forêts où il se fournit. Ainsi, pour se mettre en conformité avec cette décision, une nouvelle étude d’impact a été réalisée.
Déni de justice
Mais elle devait être assortie d’une enquête publique dans un délai d’un an à date de l’arrêt de la cour, enquête à mener sur les dix-sept départements du Sud-Est où doivent se faire les coupes forestières. L’enquête publique se fait encore attendre alors que le délai est passé depuis trois mois. « La définition, tant de la consultation du public que de la consultation des collectivités et groupements concernés, est en cours de finalisation : périmètres, durées, modalités, etc. », indique la préfecture de région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) à Reporterre. En attendant, la centrale de Gardanne jouit d’une autorisation préfectorale dérogatoire.
« C’est antidémocratique. Au sujet du respect de l’État de droit, on se pose aussi des questions, dit Nathalie Chaudon, directrice de France Nature Environnement Paca (FNE Paca), l’une des associations qui a porté le dossier devant la justice. C’est lamentable. Cette unité industrielle ne devrait même pas exister. Elle est responsable de déforestation importée. »
Nathalie Chaudon rappelle le peu d’efficacité énergétique de la centrale : « Avec 29 % de rendement, c’est ridicule. » Car l’énergie dégagée par la combustion de deux arbres sur trois consommés n’est pas valorisée sous forme d’électricité, soulignent les opposants. « Il est inopportun de maintenir cette industrie », affirme la responsable de FNE Paca, qui préférerait que l’effort public soit engagé dans la formation et l’accompagnement des salariés vers d’autres activités. « Nous ne sommes pas anti-industries, mais il faut qu’elles aient du sens. »
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