Curieux carambolage de l’histoire. Au moment où le Rwanda commémorait le 30e anniversaire du génocide des Tutsis, les deux chambres du Parlement britannique approuvaient, après une féroce bataille d’amendements, un texte ouvrant la voie à l’expulsion vers ce pays de migrants arrivés illégalement en Grande-Bretagne. Nommée « Sécurité du Rwanda », la loi adoptée le 24 avril permet désormais à Londres de sous-traiter les demandes d’asile qu’il reçoit à Kigali, en violation du droit international. Les demandeurs seront reconduits vers le petit pays de l’Afrique des Grands Lacs où leur dossier sera examiné. Si l’intérêt du Royaume-Uni paraît d’autant plus évident que les requérants ne pourront en aucun cas lui être renvoyés, celui du Rwanda est politique et géopolitique.
Le président Paul Kagamé veut être considéré comme un partenaire fiable des Occidentaux et des grandes puissances en général. L’une des conditions pour qu’aboutisse cet accord, d’abord souhaité par le premier ministre conservateur Boris Johnson puis défendu par son successeur Rishi Sunak, était d’ailleurs que le Rwanda obtienne d’être reconnu en tant que « pays tiers sûr », au sens de la convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951. Ce statut a fini par lui être accordé par le Parlement britannique, malgré le caractère autoritaire du régime de Kigali.
C’est ainsi que, depuis 2019, en vertu d’un accord avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et l’Union africaine financé par l’Union européenne, le Rwanda accueille provisoirement des migrants subsahariens particulièrement vulnérables, évacués depuis la Libye. Fin 2023, 1906 personnes avaient bénéficié de ce dispositif, dont les deux tiers ont été répartis dans d’autres pays du continent. Ce mécanisme de transit d’urgence est conforme au droit international. Tel n’est pas le cas de l’accord avec le Royaume-Uni ni de celui, resté largement opaque, qui avait lié Kigali et Tel-Aviv de 2014 à 2017. Pays le plus densément peuplé d’Afrique, le Rwanda accueille déjà, dans des conditions parfois difficiles, plus d’une centaine de milliers de réfugiés et demandeurs d’asile (voir ci-dessous). Parmi eux, 70 000 Congolais qui ont fui la violence au Kivu, pour partie liée aux ingérences rwandaises.
Selon le National Audit Office, dans le cadre de cet accord de coopération, le « pays des mille collines » recevra de Londres une enveloppe de 430 millions d’euros, à laquelle s’ajouteront plusieurs dizaines de millions en fonction du nombre de personnes accueillies. Chef de l’État depuis l’an 2000, réélu grâce à des scrutins corsetés, M. Kagamé se soucie moins des réactions de sa population que de ses relations avec les grandes capitales du monde.
Au Rwanda comme au Burundi, l’argument ethnique ne fait plus recette
La Libye, garde-chiourme de l’Europe face aux migrants
135 000
45 millions de réfugiés dans le monde
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