Coronavirus : des milliers de tonnes de fromages AOC à la trappe, idem avec la bière

Brie, camembert, Chavignol, Roquefort… sont en attente d’être bradés ou détruits. La fermeture des restaurants et des marchés, les nouveaux comportements de consommateurs leur ont été fatals. Plusieurs milliers de tonnes de fromages sous appellation sont menacées. A la clé des dizaines de milliers d’emplois, de très nombreuses petites entreprises et un symbole de la gastronomie française.

La fermeture des restaurants, des marchés, des rayons à la coupe en supermarchés a provoqué l’empilement des Brie, Camembert, Chavignol, Roquefort, Maroilles, tommes de Savoie et bien d’autres. (iStock)
Publié le 8 mai 2020 à 9h00

Du jour au lendemain, 2.000 tonnes des plus beaux fromages français se sont retrouvées privées de leurs clients habituels. La fermeture des restaurants, des marchés, des rayons à la coupe en supermarchés a provoqué l’empilement des Brie, Camembert , Chavignol, Roquefort, Maroilles, tommes de Savoie et bien d’autres.

Dans le fromage, les pertes depuis le confinement sont estimées à 157 millions d’euros, mettant en danger une économie de terroir très largement montagnarde . A vrai dire, si rien n’évolue, d’autres fromages en cours d’affinage vont se retrouver à très court terme dans la même situation. Sans solution. « Chaque jour, on en sacrifie. On les vend à la fonte ou on les donne », se lamente Michel Lacoste, le président du Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL). Aux 2.000 tonnes orphelines vont très vite s’ajouter 7.000 tonnes en sortie de cave.

Braderie

Le CNAOL a créé un « collectif de soutien aux fromages et terroirs » pour trouver une issue à cette malencontreuse situation. A ce stade, 1.000 tonnes ont été données à des organisations caritatives, détruites ou bradées au huitième du prix pour être fondues. « Le chaource pour ne citer que celui a été vendu 30 centimes d’euros le kilo aux fondeurs qui en ont bien voulu », explique Michel Lacoste, le président de la CNAOL. « Autant dire que c’est de la perte sèche ». Reste un autre millier de tonnes sur les 2.000 tonnes en souffrance, qui encourent à très court terme la destruction pure et simple. « Ces fromages sont éminemment périssables. En aucun cas on ne peut les conserver ». Tous étaient en cave au moment où la crise du coronavirus a éclaté. Il était trop tard pour penser faire autre chose du lait. Et quand bien même.

En outre, la valorisation d’un litre de lait destiné à faire un produit standard est sans commune mesure avec le prix payé au producteur de lait transformé en fromage. La différence est en moyenne de 15 % quand il s’agit de lait de vache. Pour ce qui est du lait de brebis, dont on fait le roquefort , l’écart est sans commune mesure. Les producteurs de lait de chèvre, eux ont choisi, pendant la crise, de transformer leur production en caillé et de le congeler. « On ne sait pas très bien ce qu’on va faire de tout ce caillé », dit Michel Lacoste, très sceptique sur l’intérêt de ce choix.

Sports d’hiver

Certains producteurs jouent la carte du commerce en ligne. Ils ont créé des drive fermiers. D’autres font des envois en chrono poste en boîtes isothermiques. Les trois quarts des fromages AOC sont découverts pendant un séjour de sport d’hiver. « Un certain nombre de touristes à leur retour commandent les produits fermiers qu’ils ont aimés. Le circuit existe », explique Michel Lacoste. Un commerce qui profite plus à la Savoie qu’à l’Auvergne, moins prisée par les skieurs.

Dans l’immédiat, le CNAOL espère obtenir de l’aide pour pouvoir donner les produits à des personnes disposant de faibles moyens, des étudiants, des familles monoparentales… « Les associations sont prêtes à acheter avec de l’aide »… A ce stade, la demande au ministère de l’Agriculture est demeurée sans réponse.

Les fromages AOP ont réalisé le tiers de l’activité fromagère totale en France en 2019 avec un chiffre d’affaires de 2,1 milliard d’euros d’affaires pour une production de 230.000 tonnes. Ils sont élaborés par 19.500 producteurs de lait et 390 entreprises, qui ont vu leur activité reculer de 10 à 90 % depuis la mi-mars.


Coronavirus : au moins 10 millions de litres de bière détruits à cause du confinement

Des bières non consommées à temps en raison des mesures de confinement vont devoir finir à la poubelle. Les brasseurs demandent une aide européenne.

 Les brasseurs demandent une aide européenne pour la destruction des millions de litres de bière.
Les brasseurs demandent une aide européenne pour la destruction des millions de litres de bière.  AFP
Par Le Parisien avec AFP – Le 6 mai 2020

La fermeture des cafés, la fin des activités touristiques ou encore l’annulation des festivals a laissé en souffrance plus de 10 millions de litres de bières, majoritairement en fûts. Selon le syndicat professionnel des Brasseurs de France, cette marchandise va devoir être détruite.

La raison ? Contrairement aux bières blondes classiques, les bières destinées à la poubelle sont des bières non pasteurisées. « Ce sont des bières très houblonnées et, si on les garde trop longtemps, quand elles dépassent deux à trois mois de conservation, l’effet olfactif et l’effet gustatif, l’arôme, disparaît », expliqué Maxime Costilhes, le délégué général de Brasseurs de France.

Une brasserie sur deux a bénéficié d’un prêt garanti par l’État

Si ces 10 millions de litres semblent peu de chose au regard d’une production de 22,5 millions d’hectolitres en 2020, il s’agit d’une perte de plusieurs millions d’euros pour des brasseurs dont certains ont des finances fragiles.

« On est un secteur très endetté, puisqu’on a investi 241 millions d’euros dans le développement en 2019, un chiffre important pour un chiffre d’affaires d’un peu plus de 4 milliards d’euros », ajoute Maxime Costilhes. Or, avec la crise, environ 25 % des brasseries sont actuellement à l’arrêt, faute d’activité et 70 % subissent une perte de 50 % du chiffre d’affaires ou plus depuis le 15 mars.

Si près d’une brasserie sur deux a bénéficié d’un prêt garanti par l’État et une sur quatre du fonds de solidarité, les Brasseurs demandent plusieurs mesures pour mettre en œuvre un plan de relance. Outre l’exonération des charges sociales, les Brasseurs se tournent vers Bruxelles pour obtenir une aide à « la destruction des stocks de bière » comme ce qui a déjà été demandé par la filière du vin.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire