Albanie : la police abat un homme qui bravait le couvre-feu, le ministre de l’Intérieur démissionne

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Par Louis Seiller,
Lors de la manifestation à Tirana, jeudi soir.
Lors de la manifestation à Tirana, jeudi soir. Photp Florion Goga. Reuters

La mort d’un jeune homme, tué devant chez lui par un policier alors qu’il avait enfreint le couvre-feu anti-Covid-19, a provoqué de violentes manifestations et la démission de Sander Lleshaj.

Jeudi soir, pour le deuxième jour de suite, des centaines de jeunes ont manifesté dans le centre de plusieurs villes albanaises. A peine formé, le rassemblement de la capitale, Tirana, s’est transformé en bataille rangée avec les forces de l’ordre, donnant lieu à des scènes de chaos. Aux jets de pierres, la police a répondu par des tirs de canons à eau. «Il faut que justice soit rendue pour Klodjan Rasha, explique Luisi, 23 ans, qui utilise son masque pour se protéger du gaz lacrymogène. Pour que le ministre de l’Intérieur démissionne et pour montrer à ceux qui nous dirigent que l’on sait protester.» Quelques heures plus tard jeudi soir, le ministre en question, Sander Lleshaj, présentait sa démission.

Deux jours après la mort d’un homme de 25 ans, la colère de la jeunesse albanaise ne retombe pas. Klodjan Rasha a été abattu mardi matin devant chez lui par un policier, après avoir enfreint le couvre-feu nocturne mis en place pour lutter contre le Covid-19. Selon la version officielle, le jeune homme aurait refusé d’obtempérer au contrôle. Mais la communication des autorités policières a été marquée par plusieurs rétractations, notamment sur le fait que le jeune homme était armé. Des flottements qui ont poussé la jeunesse à braver l’actuelle interdiction des rassemblements. «C’est un crime d’Etat, ce n’est pas seulement celui d’un individu, accuse Natacha, une designer de 27 ans, venue exprimer son indignation. C’est normal qu’il y ait des débordements, car le gouvernement n’assume pas ses responsabilités.»

Une démission qui n’apaise pas la colère

Conséquence de ces protestations, le policier auteur du tir mortel a rapidement été arrêté et devait être jugé ce vendredi. La démission de Sander Lleshaj n’a pas suffi à apaiser les protestataires qui continuaient à crier leur colère devant son ancien ministère. Des petits groupes d’individus, parfois très jeunes, se sont dispersés dans la capitale, incendiant des poubelles et s’en prenant à certains bâtiments, comme le siège du Parti socialiste au pouvoir. La police a procédé à plusieurs dizaines d’arrestations. La veille, seize policiers avaient été blessés lors d’une première soirée d’affrontements.

Cette bavure policière enflamme une classe politique déjà chauffée à blanc par l’approche des élections législatives, le 25 avril prochain. Loin de jouer l’apaisement, le très critiqué Premier ministre, Edi Rama, a accusé les deux principaux partis d’opposition d’instrumentaliser la mort de Klodjan Rasha. Rama, qui se représente pour un troisième mandat, a qualifié les auteurs des violences de «hooligans» et de «fanatiques des partis politiques». Défendant l’actuelle police nationale, il a agité le souvenir de la manifestation antigouvernementale du 21 janvier 2011. Une journée noire dans l’histoire récente de l’Albanie, au cours de laquelle quatre manifestants avaient été tués par les forces de l’ordre, alors dirigées par l’actuelle opposition.

Largement relayé par les réseaux sociaux, un appel a été lancé pour une troisième soirée de protestations, ce vendredi.

Louis Seiller correspondant à Tirana

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