Procès des cordistes ensevelis : Le déni assumé des prévenus

Éric Louis, 26 septembre 2021
Le 13 mars 2012, Arthur Bertelli, 23 ans et Vincent Dequin, 33 ans, cordistes, meurent ensevelis sous des tonnes de sucre au fond d’un silo appartenant au géant du sucre Cristal Union (marques Daddy, Erstein) à Bazancourt, dans la Marne.

Le 1er mars 2019, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Reims rendait son jugement.

Cristal Union et Carrard Services, son prestataire, sont condamnés chacun à 100 000 euros d’amende et deux ans de mise sous surveillance judiciaire. Ainsi que l’affichage et la publication de la sanction.

Michel Mangion et David Duval, les chefs d’établissement au moment du drame, écopent de 6 mois de prison avec sursis et de 15 000 euros d’amende.

Les 4 prévenus feront appel de ce jugement, appel donnant lieu à une nouvelle audience ce 21 septembre 2021.

11 heures. Il y a du monde devant la cour d’appel de Reims ce 21 septembre 2021. Même si l’audience ne commence qu’à 14 heures, c’est l’effervescence.

Une large banderole se déploie sur les grilles attenantes au bâtiment : « Pour ARTHUR, VINCENT et QUENTIN. TUÉS AU TRAVAIL CHEZ CRISTAL-UNION pour tous les collègues aux vies détruites par leur profits. PLUS JAMAIS CA! »

La même qu’à l’occasion de l’audience en première instance, en janvier 2019, devant le tribunal judiciaire en centre-ville.

Deux tables de camping chargées de tracts, d’affiches, de bouquins.

Mais aussi de victuailles. Chacun peut se joindre au pique-nique solidaire. Il faut prendre des forces, l’après-midi va être longue. Très longue. Et éprouvante.

Les médias sont là eux aussi, notamment les médias locaux : cette audience ne passera pas inaperçue. Autant de soutien pour les familles des victimes.

Et il leur en faut du soutien. Ces femmes et ces hommes ont attendu sept longues années avant que la justice ne leur accorde une première audience. Celle-ci avait duré 12 heures. Les peines étaient tombées, logiques. Même si elles apparaissaient clémentes aux yeux de beaucoup.

Au terme du délai qui leur était imparti, les quatre prévenus (les deux entreprises et les deux chefs d’établissement de l’époque) ont choisi de faire appel. Ainsi, deux années supplémentaires venaient s’ajouter à cette interminable attente. Peut-être les prévenus et leurs avocats misaient-ils sur un découragement. Une lassitude. Une résignation.

Dès leur arrivée au tribunal ils ont pu constater que ce n’était pas le cas. Ils s’engouffrent rapidement dans le bâtiment, eux n’ont pas envie de se confronter à la presse.

La responsable de la sécurité s’arrache les cheveux. Elle fait l’appel des nombreuses parties civiles : pas une ne manque. La jauge imposée par les mesures sanitaires risque de ne pas suffire. D’autant que de nombreux cordistes sont là, en soutien. Il faut également caser les journalistes. La reporter de France bleu le confie : « C’est rare de voir autant de proches présents en appel. D’habitude, même s’ils sont nombreux en première instance, ils se découragent. »

Pour Arthur et Vincent, la mobilisation est intacte. Elle a même grandi au fil des années. Comme une réponse à la lenteur de la justice. Comme un défi face au mépris des prévenus.

Il serait tentant d’opter pour un copié-collé de l’audience en première instance pour relater celle du 21 septembre tant l’entêtement dans le déni, le rejet de la faute les uns sur les autres, le rabâchage d’arguments techniquement faux se sont répétés. Dans les mêmes termes. Sur le même ton. Leitmotiv désespérant.

Maître Bernheim débutera la séance par une litanie geignarde réclamant l’irrecevabilité des poursuites à l’encontre de son client, la société Carrard Services. En effet, en juin 2012, soit 3 mois après l’accident, l’entreprise se retrouve en liquidation judiciaire. L’avocate générale, flairant peut-être la basse manœuvre juridique, rejettera cette demande. Comme l’avait fait le procureur en première instance.

Rassemblement solidaire des familles des victimes et des cordistes.
Le sucre fait l’objet de beaucoup plus d’attention que les travailleurs qui viennent y piocher.

Puis vient à la barre Maurice Lombard, représentant légal de Cristal Union. Celui qui permet à son PDG, Olivier de Bohan, de ne pas mêler son illustre nom à ces vils tracas judiciaires. De ne pas salir sa précieuse personne sur les bancs des prévenus. Le patronyme De Bohan sera tout même prononcé : lors de sa plaidoirie, Maître Boissy, l’avocate des parties civiles liées à Vincent, cite ses propos extraits du reportage de Franck Dépretz, Cordiste, une profession mortelle : « Dans la vie des entreprises, y a ce type d’accident. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? » Dire que ce gars recevra peut-être un jour la légion d’honneur… Rappellera-t-on alors les 6 ouvriers morts dans ses usines entre 2010 et 2019 ?

Pour un directeur industriel d’un groupe fort d’une dizaine d’usines employant au total près de 2000 salariés, Maurice Lombard est balbutiant, confus, hésitant. Mais il campe sur ses positions. À son sens, Cristal Union est un parangon de sécurité.

Le plan de prévention ne mentionne même pas le terme « ensevelissement », cause de la mort de Vincent et Arthur ? Tout le monde sait qu’un silo encore empli de plus de 5000 tonnes de sucre présente des risques d’ensevelissement, voyons. Pourquoi faire redondance et prendre la peine de préciser cette évidence ?

En revanche, le tout premier risque mentionné sur le plan de prévention est « la pollution du produit ». La priorité est clairement établie. Le sucre fait l’objet de beaucoup plus d’attention que les travailleurs qui viennent y piocher.

Les cordistes n’ont pas pu entrer par la porte des 7 mètres, en bas du silo, parce que le niveau de sucre était anormalement haut ? Ce n’est pas un problème. Répondant à la présidente, Maurice Lombard en est sûr, l’accident serait arrivé tout de même si les cordistes avaient pu accéder au fond du silo par cette porte des 7 mètres. Il rejoint ainsi le fatalisme de son PDG. Justifie le fait que le soutirage du sucre s’effectuait en continu jusqu’au matin même du chantier par la nécessité de « livrer les clients ». Avouant par là même que le sucre n’était aucunement colmaté, qu’il suffisait de continuer le vidage naturel gravitaire pour abaisser le niveau. Et minimiser les risques.

Le chantier, prévu sur environ un mois, débute en mars. La campagne de fabrication de sucre démarre à l’arrachage des betteraves, en octobre, pour durer une centaine de jours. Au vu de ce calendrier, pourquoi une telle précipitation à vider un silo qui ne pourra de toute façon être rechargé que 6 mois plus tard ? Cette question n’a jamais trouvé de réponse.

Selon Maître Néret, l’avocat de Cristal Union, la hauteur de sucre n’influe aucunement sur le travail à fournir, ni sur les risques présents : « Il suffisait de désiler comme d’habitude selon la méthode des portions de camembert, sauf que là, les portions étaient plus hautes. Et après ? »

Et après ? Faut-il rappeler à Maître Néret que la hauteur du sucre culminait à 15 mètres de hauteur, soit la taille d’un immeuble de 6 étages ? Effectivement, pas de quoi s’inquiéter.

Au premier plan sur le banc des prévenus, Maurice Lombard,
l’avocate de l’assureur de Cristal-Union et Michel Mangion.
Au second plan David Duval.
« Les cris en guise d’alerte »

Michel Mangion, directeur de la sucrerie de Bazancourt au moment des faits, vient à son tour témoigner à la barre.

Cristal Union a refusé que son prestataire Carrard Services fournisse des talkies-walkies aux cordistes descendant au fond du silo ? Pas grave. Il suffisait à ceux-ci de hurler à l’attention de la vigie, 40 mètres plus haut. À elle de courir au téléphone du monte-charge (à condition qu’il soit bloqué au dernier étage du silo) et d’appeler la responsable des installations qui se trouve dans la cave. Si elle entend la sonnerie à travers le fracas de la machinerie, il lui faudra alors tenter de comprendre le message au milieu du bruit ambiant.

Il a été précisé au cours de l’audience que le jour de l’accident, entre le moment où les cordistes alertent sur le danger en cours et la fermeture des trappes de vidage, 16 longues minutes se sont écoulées. Ce délai semble satisfaire Michel Mangion. Lui qui préconise « les cris en guise d’alerte ».

La question de ces talkies-walkies devait être abordée lors de l’accueil sécurité des ouvriers, prévu à 13h30. Arthur et Vincent sont morts aux alentours de 11h30…

Interrogé par les avocats, Michel Mangion est mis en difficulté. À ce moment survient un épisode surréaliste. Maurice Lombard se lève sans gène du banc des prévenus et vient à la barre au secours de son subordonné. Prend la parole, explique. La cour laisse faire. Les choses mises au point, Maurice Lombard retourne s’asseoir. Cette liberté est révélatrice. Les gens de Cristal Union, pachyderme de l’agro-industrie dans la région, s’affranchissent des règles en vigueur pour le commun des mortels dans l’enceinte du Palais de justice. Pourquoi dès lors ils se soumettraient aux lois applicables à tout un chacun au sein de leurs entreprises ?

Rien de nouveau sous le soleil rémois. Cristal Union, imbue de ses milliards, étale sa suffisance. Rejette la faute sur son prestataire Carrard Services. Qui lui rend la pareille. Le déni de responsabilité est total.

Maître Maria-Claudette Aulon-Ponton qui représente le SFETH, le Syndicat Français des Entreprises de Travaux en Hauteur, est présente mais ne participe pas aux débats. Ne pose pas une seule question aux prévenus, ni aux témoins. Le SFETH regroupe 43 des 600 entreprises de travaux sur cordes en France. Les plus importantes. En termes de chiffre d’affaires, s’entend, puisqu’elles constituent les 7% des entreprises qui s’accaparent près du tiers du chiffre d’affaires total du métier. C’est un peu le Medef de la corde. Il y est d’ailleurs affilié, pas de hasard. Le SFETH s’était déjà constitué partie civile en première instance. Sa demande avait heureusement été déclarée irrecevable à l’énoncé du jugement. Quel est le préjudice subi par un groupement d’entreprises millionnaires à l’occasion de la mort de deux travailleurs payés un peu au-dessus du Smic ? Il devrait au contraire se faire discret. D’autant que les conditions de sécurité constatées chez certains de ses membres tendent à prouver l’incongruité de la démarche. Nombre d’accidents, graves ou même mortels sont à mettre au passif de membres éminents du SFETH.

Le 4 octobre 2019, ETH (Entreprise de Travaux en Hauteur) comparaissait pour homicide involontaire sur la personne de Quentin Zaraoui-Bruat, cordiste intérimaire de 21 ans. Le syndicat patronal n’avait alors pas jugé opportun de se constituer partie civile. Le fait que ETH soit membre du syndicat avait-il motivé cette décision ? Des mauvaises langues l’affirment.

La plaidoirie de l’avocate, seul moment où elle s’animera, donne la pleine mesure des revendications de son client : « La concurrence déloyale des entreprises comme Carrard Services nuit à la réputation et à la confiance tant des donneurs d’ordre que de l’Inspection du travail qui est devenue extrêmement méfiante sur ce type de travaux, du fait des actions et des pratiques qui sont aujourd’hui très clairement exposées. » Ah, le bon vieux temps de l’opacité…

« Il y a eu beaucoup d’articles de presse lors de l’audience en première instance. On a beaucoup parlé des travaux sur cordes. » Sous-entendu qui ne sont pas à la gloire de ce métier-passion, hors-norme, (hors législation ?).

« Or les travaux sur cordes c’est comme les travaux hyperbare sous-marins, si on fait ce qu’il faut, il n’y a statistiquement pas plus d’accidents que dans d’autres activités classiques du bâtiment. » Cela si on s’en tient aux analyses teintées de légèreté produites par le SFETH, prompt à « oublier » quelques accidents mortels pour des motifs fallacieux.

Au cœur d’un procès traitant de la mort atroce de deux jeunes hommes, devant les souffrances endurées par leurs proches pendant près de dix ans en l’absence de réponse de la justice, l’avocate des patrons de la corde vient parler réputation, concurrence, « préjudice commercial ». Business, en un mot. Ne sont-ce là que les seuls ressorts qui les animent ?

Les entreprises non adhérentes au SFETH viendront-elles se constituer partie civile aux procès de ses membres qui ne vont pas manquer d’arriver ?

Maître Maria-Claudette Aulon-Ponton ne tiendra aucun propos sur le fond de l’affaire. N’aura aucune parole à l’adresse des victimes et de leur famille.

Elle réclame, au nom des préjudices subis par son client, 105 000 euros de dommages et intérêts.

Les avocats des prévenus. Au premier plan, maître Ahmed HARIR (David Duval) et maître Olivier BERNHEIM (Carrard Services). Au second plan, maître Jean NERET (Cristal Union)
Piocher et pelleter en suspension, au bout d’une corde de 40 mètres est matériellement impossible.

Seule différence notable avec l’audience en première instance : la présence de Julien Rivollet, cité en tant que témoin par les parties civiles. Il est cordiste, formateur, membre et président de jury d’examen. C’est l’un des cordistes les plus certifiés de France, voire le plus certifié.

Il a apporté son expertise au groupe de travail sur les interventions en milieu confiné, initié par le Ministère du travail, la MSA (la Sécurité sociale agricole) et l’Inspection du travail, à la suite du décès de Quentin, enseveli dans un silo appartenant, là encore, à Cristal Union.

Pendant près d’une heure, il explique. Il précise. Fait la lumière sur des zones d’ombre. Répond aux avocats. À la cour. Ce point de vue technique est précieux, il avait manqué deux ans auparavant.

Cependant il ne semble pas ébranler les convictions des avocats des prévenus.

Surtout pas celles de Maîtres Bernheim et Néret, conseils des entreprises (les avocats des chefs d’établissement quant à eux s’évertueront à contester la responsabilité incombant à leurs clients au titre de leur délégation de pouvoir).

Maître Néret, en petite forme, ne plaidera qu’une heure, contre 1h45 en première instance. Ce qui ne l’empêchera de psalmodier son antienne favorite : « corde tendue ! ». 18 fois en 60 minutes. Soit une fois toutes les trois minutes environ. Il est resté imperméable aux explications de Julien.

Soumise à une force de 600 kg, une corde semi-statique s’allonge de 15 à 20% de sa valeur. 600 kg étant la force de la coulée de sucre qui a entraîné Arthur et Vincent par le fond. Les trappes de vidage ouvertes sous leurs pieds avaient une capacité d’évacuation de 50 à 70 tonnes de sucre à l’heure. Soit entre 12 et 17 tonnes durant les 16 minutes fatidiques séparant le début de l’alerte de la fermeture des trappes. Ce débit représente une véritable cascade capable d’entraîner un homme comme un fétu de paille. Sous l’effet de l’aspiration, les cordes ont donc pu s’allonger de 6 à 8 mètres. Dès lors, l’imprécation « corde tendue ! » apparaît dérisoire. Et particulièrement inappropriée. Elle est en tout cas irrecevable. Maître Néret aurait-il du mal à comprendre et accepter l’évidence ?

D’autant que Julien a longuement précisé que piocher et pelleter en suspension, au bout d’une corde de 40 mètres est matériellement impossible. L’élasticité faisant monter et descendre le cordiste comme un yoyo. Et accessoirement tourner sur lui-même comme une toupie, n’ayant aucun point d’appui.

Maître Néret reproche aux travailleurs de n’avoir pas appliqué une consigne inapplicable, rejetant ainsi la faute sur les victimes après l’avoir imputée à Carrard Services. La boucle est bouclée.

Les parties civiles avec une de leurs avocates, maître Aurore BOISSY
« Monsieur Soulier a oublié qu’on l’avait informé que des trappes étaient ouvertes. »

Maître Bernheim sera fidèle à ce schéma. Comme ses confrères œuvrant pour les défendeurs, il est outré que le ministère public fonde ses reproches formulés à l’encontre des prévenus sur le rapport de l’inspectrice du travail. Mais sur quoi faudrait-il qu’il s’appuie ? Sur un témoignage de voisinage ? Sur les déclarations de ceux qui ont, par leurs manquements, contribué à la mort d’Arthur et Vincent ?

Pire, il interroge Julien Rivollet : « Selon vous, la mentalité du cordiste est d’être plutôt obéissant aux consignes, ou au contraire il a une certaine idée de son indépendance ? » Par cette question il insinue clairement que l’ouvrier est un irresponsable, ingérable, bafouant les ordres et consignes de ses encadrants pour se mettre délibérément en danger. La réponse de Julien fuse, sans équivoque : « Le cordiste demande des consignes claires. » Mieux que tout autre, lui sait que le métier souffre d’un manque de supervision et d’encadrement. L’ouvrier cordiste est trop souvent livré à lui-même.

Les dirigeants de Carrard Services en revanche font montre d’exemplarité. Ils ont présenté aux enquêteurs un Document unique d’évaluation des risques (DUER) mis à jour en… 2006. Soit six ans avant le drame. Un DUER qui n’évoquait à aucun endroit les risques d’enlisement et d’ensevelissement.

Mais le cynisme de Maître Bernheim envers les victimes, et donc envers leurs proches présents dans la salle, atteindra un sommet d’indécence à l’occasion d’un autre témoignage.

Frédéric Soulier, rescapé de l’accident, est dans la salle. Il expliquera comment il a vu mourir ses deux collègues. Ces longues minutes d’horreur, de peur, de cris inentendus. Le sentiment d’isolement au fond de ce piège. Il expliquera à son tour l’impossibilité de travailler en suspension.

Il certifiera à la cour qu’il n’était pas au courant que des trappes étaient ouvertes sous ses pieds. Maître Bernheim affirme sans ciller « Comme dans tout accident du travail, les victimes ont oublié les consignes. Ils ont oublié de travailler sur corde tendue.»

Puis désignant Frédéric dans la salle : « Tout comme Monsieur Soulier a oublié qu’on l’avait informé que des trappes étaient ouvertes. » Après cette affirmation lumineuse d’humanité, tout commentaire serait vain. Toute insulte inutile. L’auteur s’injurie lui-même.

Comme en première instance, les prévenus se défaussent les uns sur les autres.

Petite nouveauté tout de même, les avocats des assurances des deux sociétés sont présents. Il faut savoir que les dommages et intérêts éventuels accordés aux parties civiles seront réglés par les assurances. Il ne faudrait pas que ces sommes dues au titre de la réparation des préjudices subis par toutes ces personnes éplorées viennent écorner les bilans financiers des entreprises.

Cristal Union, 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, accable Carrard Services, 60 millions d’euros de chiffre d’affaire, qui le lui rend bien. Puis ils fondent comme un seul vautour sur les dépouilles d’Arthur et Vincent, les prétendant fautifs de leur propre mort. Michel Mangion, 7000 euros net par mois se joint à la curée. David Duval, 5000 euros net par mois, charge son subalterne, responsable du chantier sur site.

Arthur et Vincent sont descendus sans sourciller au fond de ce silo pour environ 10 euros brut de l’heure. Soit approximativement 1200 euros net par mois. Sans la moindre prime de risque, de pénibilité, ou de confinement.

Maurice Lombard, Michel Mangion et David Duval n’auront aucun mot à l’attention des victimes. Ni à l’attention des familles présentes dans la salle.

Si la valeur d’un homme se mesure davantage à sa probité et à son courage qu’à son compte en banque, ceux-là ne sont assurément pas digne d’estime.

L’estime est à porter au crédit de la maman de Vincent. Digne et droite, elle s’exprime à la barre en quelques mots clairs et lourds de sens : « Je m’appelle Chantal Dequin, je suis toujours la maman de Vincent. Le premier procès n’a eu lieu que 7 ans après l’accident. Il faut qu’ils soient condamnés. Je n’ai qu’une envie, c’est que ça se termine. Cette histoire c’est celle du pot de terre contre le pot de fer. Mais ces messieurs doivent l’entendre, tant que je serai vivante, je ne les lâcherai pas. Ils ont été condamnés à 6 mois de sursis. Moi j’ai pris une peine à perpétuité de tristesse. »

À l’issue des débats, l’avocate générale requiert les mêmes peines qu’en première instance.

Les avocats des prévenus plaident tous la relaxe, sans la moindre honte.

Il est près de 23 heures. Après presque 9 heures d’audience, la présidente de la cour met son arrêt en délibéré. Réponse de la justice le 24 novembre.

Deux mois de pression supplémentaires pour les proches des victimes.

Quelle va être la décision de la cour d’appel ?

Au-delà, plane la menace du pourvoi en cassation des prévenus. C’est-à-dire deux ans pour obtenir une décision de la cour de cassation. Puis éventuellement, si le jugement était cassé, deux autres années pour aboutir à une nouvelle audience à la cour d’appel. On arriverait alors à 2025 ou 2026. Soit près de14 ans après l’accident !

On sait qu’ils osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Mais quand-même…

Cristal Union a échappé à sa mise en cause dans le procès de la mort de Quentin Zaraoui-Bruat survenue dans un de ses silos, en juin 2017. Selon un avocat du cru, les relations politiques de la maison auraient été jusqu’à exercer leur influence sur le parquet de Reims.

Au lendemain de l’audience du 21 septembre, je reçois ce message d’un personnage bien renseigné sur les pratiques locales : « On me dit que Cristal Union ira jusqu’au bout pour ne pas créer de précédent sur son site et qu’elle essaie d’actionner de nombreux leviers. »

Éric Louis, 26 septembre 2021

L’AUDIENCE D’APPEL DANS LA PRESSE :
Article paru sur Médiapart le 23/09/2021
À REIMS, LA MORT DE DEUX CORDISTES EN PROCÈS
par Dan Israel
JT 12/13 – France 3 Champagne-Ardennes du 21/09/2021

JT 19/20 – France 3 Champagne-Ardennes du 21/09/2021

REVUE DE PRESSE COMPLÈTE
Bastamag, Reporterre, FranceINFO, FranceINTER, Le Parisien, Libération, l’Union, France 3 Grand Est, Médiapart, CQFD, Champagne FM, l’Est éclair,  …
Tout ce qui a été dit autour de cet accident et la première audience de janvier 2019

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