Qui veut parler d’autre chose ? Éditorial du 30 ma

aplutsoc – Mai 30

« Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime, de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée, et réprimée, de façon choquante. Et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. Évidemment socialement, c’est là où c’est le plus choquant, mais on peut aussi voir ça dans toutes les autres sphères de la société, et le cinéma n’y échappe pas. La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française. Cette même exception culturelle sans laquelle je ne serais pas là aujourd’hui devant vous. » (Justine Triet).

Tout avait été fait pour que rien ne filtre au festival de Cannes : pas de démonstration sociale, pas de démonstration pro-ukrainienne, flicage et asepsie intégrale. Résultat : ce qui a été refoulé a éclaté au point culminant dans les propos de Justine Triet recevant sa palme d’or. Honneur à elle. Honneur à elle aussi pour le déferlement de haine des macroniens de tout poil contre elle, exprimant ouvertement leur soif de censure et de répression, affirmant ouvertement que l’État, c’est eux ! et que qui ne lui lèche pas les bottes doit être éliminé. Honte à eux.

Il en va du festival de Cannes, hé oui, comme il en va de la grève des ouvrières de Vertbaudet qui ont imposé une négociation salariale parce que, et seulement parce que, leur lutte est devenue nationale et centrale, comme il en va de l’assemblée des actionnaires de Total qui s’octroient le beurre et l’argent du beurre en refilant leur pollution au peuple, cumulant la poursuite de l’exploitation pétrolière et les « éco-investissements » (sic !) dans les « énergies vertes », mais n’échappent pas à la dénonciation par des manifestants brutalement réprimés : chaque évènement social, écologique, économique, culturel, de tant soit peu d’importance, devient un affrontement central, non pas seulement avec le capital en général mais aussi avec son représentant n°1 en charge de la défense de ses intérêts : Macron.

Tout ce qui bouge affronte Macron. Tous ceux qui l’ouvrent haut et fort se heurtent à Macron.

Est-ce pour cela, est-ce précisément pour cela, que l’intersyndicale a observé pendant des semaines la plus profonde immobilité, le plus profond silence, pour finalement pondre, ce mardi matin 30 mai, un communiqué qui semble avoir été écrit pour montrer qu’elle voudrait parler d’autre chose que de la contre-réforme visant les retraites ?

La majorité de la population est dans l’expectative : Macron est sonné mais nous, les travailleurs, avons-nous encore une fois été trompés ?

La crise au sommet est confirmée et aggravée. La proposition de loi du groupe LIOT n’abroge pas la contre-réforme Macron visant nos retraites – comme l’écrit l’intersyndicale – mais sa première disposition : les 64 ans. Elle peut être majoritaire dans ce qui serait, le 8 juin prochain, le seul vote parlementaire réel sur la contre-réforme Macron. Cela afficherait qu’il doit partir. C’est pour cela que les macroniens et la direction de LR cherchent toutes les procédures possibles pour interdire le vote. Interdire, ils ne savent plus faire que cela.

Mais comment se fait-il que le sort de la grande majorité semble soudain dépendre de tractations de couloirs ? Attendre jusqu’au 6 juin, ne pas monter en masse à Paris le 6 juin, ne rien faire le 8 juin : il y a là une orientation politique de l’intersyndicale qui n’a qu’un seul sens : protection de l’exécutif. De même, les forces politiques qui font passer en premier point la préparation de 2027 (présidentielles) et de 2024 (européennes), protègent l’exécutif, qui s’appelle Macron.

Si la majorité avait les éléments d’organisation lui permettant d’agir nationalement par elle-même, de monter sur l’Élysée comme l’ont fait les Gilets jaunes, d’engager les grèves politiques comme cela est arrivé plusieurs fois et dans divers secteurs depuis six mois, nous serions victorieux. Macron chassé, la volonté populaire pourrait imposer par en bas l’élection d’une assemblée constituante, imposer la démocratie, s’organiser à tous les niveaux. Et cela, loin de faire le jeu de Mme Le Pen, la ferait disparaître !

Tel est, aujourd’hui, la voie du réalisme. Grossissons et associons les forces qui en ont conscience !

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