Le suicide d’un lycéen harcelé tourne au scandale

Le rectorat de Versailles avait adressé un courrier menaçant aux parents de l’adolescent victime de harcèlement scolaire. Face au tollé, le gouvernement veut se montrer réactif.

La rédaction de Mediapart

17 septembre 2023

Le suicide d’un adolescent de 15 ans qui était victime de harcèlement scolaire, le 5 septembre à Poissy (Yvelines), devient une affaire scandaleuse à plusieurs égards. Un échange de courriers entre les parents de l’adolescent et le rectorat de Versailles, divulgué samedi 16 septembre par BFMTV, jette une lumière très crue sur le manque de réactivité et d’empathie dont l’administration a fait preuve dans cette affaire.

Le 18 avril, les parents de l’adolescent avaient écrit au proviseur de son lycée technique pour se plaindre de l’inertie de l’établissement, alors que leur fils était victime de faits de harcèlement caractérisés de la part de deux élèves depuis le mois d’octobre. Jugeant « incompréhensible » l’absence de réaction du chef d’établissement, ils lui annonçaient leur intention de déposer plainte et de le « considérer comme responsable si une catastrophe devait arriver à [leur] fils ».

Le lycée Adrienne Bolland, à Poissy, où était scolarisé l’adolescent l’an dernier. © Julien de Rosa/AFP

Le 20 avril, le proviseur leur répondait que le corps enseignant pouvait « considérer que la situation était en phase de résolution ».

Et le 4 mai, les parents recevaient une réponse très sèche et un brin menaçante du rectorat de Versailles, à propos du « supposé harcèlement » dont se plaignait leur fils. « Les propos que vous avez tenus et le comportement que vous avez eu envers des personnels de l’Éducation nationale, dont le professionnalisme et l’intégrité n’avaient pas à être remis en cause de la sorte, sont inacceptables. Je les réprouve de la façon la plus vive », écrivait le rectorat.

Enjoignant les parents à adopter une attitude plus « respectueuse » et « constructive » avec le personnel de l’établissement, le rectorat les mettait en garde contre le risque de s’exposer à une procédure pour « dénonciation calomnieuse », infraction « punie de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ». « Je serai contrainte, le cas échéant, de prendre toutes les mesures nécessaires », ajoutait l’auteure du courrier.

À la lecture de la lettre, la mère de l’adolescent est entrée dans une « colère noire », a-t-elle déclaré au Journal du dimanche (qui a consacré sa « une » et pas moins de trois pages à cette affaire). « Nous étions outrés. Nous passions désormais pour des coupables. C’en était trop. À partir de ce moment, Nicolas n’a plus été le même. C’était tellement grossier et surtout injuste », a-t-elle témoigné.

Après une rentrée scolaire déjà marquée par le manque d’enseignants et une pauvre polémique sur le port de l’abaya, le gouvernement a choisi de réagir rapidement à cette affaire.

« Ce courrier est une honte, une honte », a déclaré samedi le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal. Il a rappelé qu’une enquête administrative avait démarré pour faire la lumière sur les faits de harcèlement scolaire dont avait été victime l’adolescent, mais aussi sur la gestion de cette affaire par les services de l’Éducation nationale. Le ministre a également annoncé qu’il réunirait « dès lundi l’ensemble des rectrices et des recteurs, pour un audit dans l’ensemble des rectorats sur toutes les situations de harcèlement signalées aux rectorats sur l’année passée ».

Peu avant, la première ministre Élisabeth Borne avait qualifié de « choquant » le ton de la missive envoyée par le rectorat de Versailles aux parents du lycéen. « Il y a eu manifestement défaillance sur le type de réponse adressée à des parents qui étaient extrêmement inquiets », a-t-elle ajouté.

Ayant obtenu un changement d’établissement, l’adolescent avait fait sa rentrée dans un nouveau lycée professionnel, dans le XIVarrondissement de Paris. Cela ne l’a pas empêché de mettre fin à ses jours le 5 septembre. À ce stade, le lien entre ces faits passés de harcèlement et son décès ne sont pas clairement établis.

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