Gaza : l’ONU adopte une résolution appelant au cessez-le-feu immédiat

Pour la première fois depuis bientôt six mois de guerre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté lundi 25 mars une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat. Seuls les États-Unis se sont abstenus. Reste le plus difficile : la mettre en application.

Rachida El Azzouzi

Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté lundi 25 mars, pour la première fois, une résolution appelant à un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza pendant la durée du ramadan (qui a commencé il y a deux semaines) et à la libération de tous les otages retenus dans l’enclave palestinienne.

Le texte, à l’initiative des pays non membres permanents du Conseil de sécurité (Algérie, Équateur, Japon, Guyana, Malte, Mozambique, Corée du Sud, Sierra Leone, Slovénie et Suisse), a été adopté par quatorze voix sur quinze. Déplorant l’absence d’éléments « essentiels », notamment une condamnation du Hamas, selon le porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, John Kirby, les États-Unis ont manifesté leur désaccord en s’abstenant, ce qui a permis l’adoption du texte.

Quelques jours plus tôt, vendredi 22 mars, et alors qu’ils avaient jusqu’ici systématiquement bloqué les (trois) initiatives appelant à un cessez-le-feu, les États-Unis avaient porté pour la première fois une résolution plaidant « la nécessité » d’un cessez-le-feu sans le réclamer explicitement. Le texte avait été retoqué par les vetos de la Chine et de la Russie. Cette dernière avait dénoncé un texte « hypocrite ».

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Les ambassadeurs de Russie et de Chine s’entretiennent avec les ambassadeurs des pays arabes avant la réunion du Conseil de sécurité et le vote de la résolution sur le conflit entre Israël et Gaza au siège de l’ONU à New York le 25 mars 2024. © Photo Lev Radin / Spus / Abaca

À la différence de la version américaine, qui constituait, malgré sa tiédeur, une inflexion réelle de la position de l’administration Biden, sous le feu des critiques pour son soutien inconditionnel à l’État d’Israël, la résolution approuvée lundi 25 mars, sous les applaudissements, « exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan », qui court jusqu’aux alentours du 9 avril, devant « mener à un cessez-le-feu durable »« la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » et la levée de « tous les obstacles » à l’aide humanitaire.

La Chine, qui avait annoncé qu’elle soutiendrait ce nouveau texte, a félicité lundi l’Algérie et d’autres pays arabes qui ont porté la résolution « pour leur dur travail », par la voix de Lin Jian, porte-parole du ministère des affaires étrangères.

La désapprobation d’Israël

La portée symbolique du vote de cette résolution par un Conseil de sécurité très divisé sur le conflit israélo-palestinien depuis des années, et qui est apparu depuis le 7 octobre 2023 dans toutes ses paralysies, est forte.

Depuis le 7 octobre, le Conseil n’avait réussi à adopter que deux résolutions à vocation humanitaire. Celles-ci n’ont pas été suivies d’effet : assiégée depuis bientôt six mois, la bande de Gaza est au bord de la famine, l’aide humanitaire n’y entre qu’au compte-goutte du fait des entraves des autorités israéliennes.

L’enjeu, désormais, et pas des moindres, consiste à mettre en œuvre la résolution adoptée lundi, alors qu’Israël a tué plus de 32 000 personnes, majoritairement civiles, dans l’enclave palestinienne. Ce qui n’est pas gagné, les résolutions du Conseil étant régulièrement bafouées par les pays concernés.

Dès l’annonce du vote, le cabinet du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, toujours déterminé à envahir la ville de Rafah, au sud de Gaza, où se sont réfugié·es plus d’un million de Palestinien·nes, a manifesté sa désapprobation. Et ce, malgré l’assurance des États-Unis que leur abstention ne représentait pas « un changement dans [leur] politique »via le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.

Israël a fait savoir qu’il annulait, en conséquence, la visite à Washington d’une délégation sécuritaire devant justement évoquer le projet d’assaut terrestre sur Rafah avec l’administration Biden, dans laquelle figure notamment le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant.

De son côté, le Hamas a salué dans un communiqué l’adoption de la résolutionSi un cessez-le-feu a lieu, le mouvement islamiste palestinien dit être prêt à s’engager immédiatement dans un processus « d’échange de prisonniers qui conduira à la libération des otages et des captifs des deux côtés ».

Pour l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, le cessez-le-feu pourrait commencer « immédiatement après la libération d’un premier otage ». Les prochains jours diront si la résolution dépasse l’enceinte de l’ONU et devient concrète.

« Un échec serait impardonnable », a posté sur le réseau social X le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. « Les parties prenantes du conflit ont une obligation légale de respecter les termes de la résolution. Si elles ne les respectent pas, le Conseil de sécurité pourra prendre des mesures telles que des sanctions, décrypte auprès de Mediapart l’avocat Johann Soufi. Ne pas respecter cette résolution serait une défiance directe vis-à-vis de la communauté internationale. » 

Un autre projet de résolution, porté par la France, devrait suivre, réclamant un « cessez-le-feu permanent ». C’est le vœu des ONG, à l’image d’Oxfam, qui rappelle aux États membres qu’un cessez-le-feu nécessite de « mettre un terme au transfert d’armes, de pièces détachées et de munitions à Israël et aux groupes armés palestiniens ». « Une simple pause de deux semaines n’est pas suffisante, a réagi l’ONG dans un communiqué. Cet arrêt initial de la violence doit déboucher sur un cessez-le-feu permanent qui dure et sur une paix durable pour les Palestiniens comme pour les Israéliens, afin que les habitants de Gaza puissent pleurer leurs proches et entamer le long chemin du rétablissement et de la reconstruction. »

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