A69 : manifestation de milliers de personnes contre le projet de l’autoroute reliant Toulouse à Castres, émaillée de violences

Activits watch smoke coming from a clash between protesters and the Police during a protest against the A69 motorway project linking Toulouse and the town of Castres, near Puylaurens, southern France, on June 8, 2024. (Photo by Ed JONES / AFP)

Quelques centaines de manifestants de l’un des cortèges ont affronté frontalement les forces de l’ordre. Un CRS, un gendarme et un manifestant ont été blessés.

Par  (avec AFP)

Publié aujourd’hui à 15h22,

Des milliers d’opposants écologistes ont bravé samedi 8 juin une interdiction préfectorale pour participer dans le Tarn à un rassemblement à haut risque contre l’autoroute A69, qui doit relier Castres et Toulouse, émaillé d’incidents. Samedi soir, manifestants du cortège « bleu » et forces de l’ordre se sont affrontés frontalement : aux pierres et aux cocktails Molotov des premiers répondaient les grenades lacrymogènes ou assourdissantes des secondes.

Les éléments les plus déterminés du cortège – quelques centaines de personnes – espéraient pouvoir se rendre sur l’un des nombreux chantiers de l’A69 qui émaillent déjà le paysage autour de Puylaurens, mais ont dû rebrousser chemin face à l’important dispositif policier, et se replient désormais en laissant derrière eux des bottes de paille enflammées. Un CRS et un gendarme ont été blessés, le premier atteint par un cocktail Molotov, le second par un tir de mortier de feu d’artifice, selon la préfecture. Un manifestant a également été blessé à un mollet.

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Plusieurs collectifs locaux et Les Soulèvements de la Terre avaient appelé samedi après-midi à une « Manif’Action », point d’orgue de la mobilisation « Roue libre », qui a débuté vendredi et se termine dimanche.

Peu après 14 heures, quatre cortèges se sont élancés sur des chemins et routes de campagne. Dans le cortège principal, le plus nourri, les militants ont défilé sous un soleil de plomb dans une ambiance festive, derrière un camion sonorisé diffusant de la musique techno, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. On distinguait des drapeaux du MPA, d’Extinction Rebellion, de Sud-Solidaires, ainsi que quelques drapeaux palestiniens.

Un autre cortège a également quitté le campement avec dans ses rangs « des personnes radicalisées, déterminées à commettre des actes de violence », selon la préfecture du Tarn. Ce cortège « bleu », celui regroupant le plus de manifestants tout de noir vêtus, au visage intégralement recouvert, avait pour objectif de « rendre à NGE [le constructeur de l’autoroute] toutes les merdes qui lui appartiennent ». En l’occurrence, des dizaines de panneaux de signalisation situés tout au long du chantier subtilisés par des opposants au projet et rassemblés à leur camp de base, qu’il s’agissait donc d’aller déposer sur le site de la base de vie de NGE, à trois kilomètres de là.

Grenades lacrymogènes

Tirs de grenades lacrymogènes des forces de l’ordre contre le cortège bleu, samedi 8 juin 2024.

Les premières tensions sont apparues vers 15 heures quand « 250 manifestants radicalisés » ont tenté d’atteindre une route départementale. Les forces de l’ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes pour les disperser et les tenir à distance de la route qui mène au chantier de l’autoroute. En réponse, des manifestants vêtus de noir et cagoulés ont tiré des mortiers de feux d’artifice en direction des gendarmes.

Dans un communiqué à la mi-journée, la préfecture du Tarn a fait savoir que parmi les personnes mobilisées elle en avait repéré « 300 à 400 cagoulées et habillées en noir ». « Une fois de plus, les associations qui ont appelé à la manifestation servent de caution à des personnes violentes venues pour casser. Cela conforte pleinement l’arrêté d’interdiction et le déploiement important de forces de sécurité intérieure », poursuivait le communiqué de la préfecture du Tarn.

Près du village de Puylaurens, le rassemblement a réuni 4 000 à 5 000 militants selon les organisateurs, 2 000 selon la préfecture. En fin de matinée, lors d’une conférence de presse tenue sous un chapiteau, un porte-parole des Soulèvements de la Terre avait dénoncé « un massacre des terres pour des profits ». « On ne va se laisser impressionner et ils ne nous enlèveront pas la joie de lutter ensemble », a-t-il ajouté.

Au nom de 12 collectifs opposés aux unités de fabrication de goudron, un militant alertait : « On est au bord du craquage : les usines à bitume qui vont produire le revêtement de l’autoroute, c’est 700 tonnes de rejet de substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la santé humaine. »

Défense des terres agricoles

Sur un terrain privé où plusieurs chapiteaux ont été érigés, près du chantier de l’autoroute A69, à hauteur de Puylaurens (Tarn), le 7 juin 2024.

Lors d’une table ronde, la députée d’EELV Christine Arrighi, qui préside à l’Assemblée nationale la commission d’enquête sur les modalités juridiques et financières du projet, en cours, avait apporté son « soutien à cette belle manifestation citoyenne et festive et à la défense de ceux qui sont finalement les grands perdants de cette A69 : les agriculteurs qui voient leurs terres accaparées à l’heure de la crise agricole et du débat sur la souveraineté alimentaire ».

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« Ce rassemblement est parfaitement complémentaire de notre action à l’Assemblée », avait-elle estimé. En dépit de l’interdiction de la manifestation prévue pour l’après-midi – à laquelle elle a donc préféré ne pas prendre part –, « la mobilisation reste intacte, disait-elle. Plus on veut interdire, plus ça renforce la volonté de ceux qui veulent venir pacifiquement dire non à ce projet inutile. Le combat n’est pas perdu, de nombreux recours sur le fond doivent encore être étudiés par le tribunal administratif. »

Au sujet des débordements possibles, qui ont justifié l’interdiction de la manifestation aux yeux du ministre de l’intérieur, l’élue souhaitait faire passer un message « contre toutes les violences » : « Dans ce dossier, l’Etat de droit est bafoué, déplore-t-elle, et c’est cette violence-là qui déclenche les autres, mais on ne parle que des dernières. »

En milieu de matinée, lors d’une manifestation entre le campement revendicatif situé près du village de Puylaurens et le chantier de l’autoroute tout proche, les militants de la Confédération paysanne ont dénoncé la « bétonisation » et « l’artificialisation des sols ».

La manifestation écologiste, qui n’a pas été déclarée officiellement, a été interdite par la préfecture du Tarn, à la demande du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, par crainte de violences. Un recours contre l’interdiction de la mobilisation a été déposé vendredi devant le tribunal administratif de Toulouse, qui l’a rejeté. Environ 1 600 gendarmes et policiers sont dépêchés aux abords de Puylaurens. Des hélicoptères de la gendarmerie survolent en continu la zone du rassemblement.

Construite au nom du désenclavement du bassin de Castres et Mazamet, soutenue par une majorité d’élus locaux et régionaux, l’A69, longue de 53 kilomètres, est critiquée par des mouvements de gauche et écologistes et des scientifiques qui dénoncent la destruction de zones humides, de terres agricoles, d’arbres, d’écosystèmes et de nappes phréatiques, pour un gain de temps, selon eux, faible.

Le chantier a débuté en 2023 et l’autoroute doit être mise en service à la fin de 2025. « Nous avons le devoir de nous interposer, estimait une militante d’Extinction Rebellion. Tant qu’on sera là, l’autoroute ne passera pas. No Macadam. »

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